Une année se termine dans le chaos social que l’on sait, une autre commence aujourd’hui, et chacun va souhaiter le meilleur à l’autre dans un élan d’enthousiasme sincère, en ayant probablement une pensée émue pour le bon docteur Coué de nos grands-parents, l’apôtre de l’autosuggestion.
En fait, je ressens des émotions diverses et contradictoires, et une image me vient à l’esprit, celle d’un Mooney lancé à 180 kt dans la TMA d’Orly, dans le noir, avec des avions de ligne autour, dont le glass cockpit s’éteint d’un coup. Plus de moyens de navigation, plus de radio, seulement trois pendules de secours. Compliqué. Un plan B est imaginé, libérer les axes d’Orly vers le bas et dégager vers Dinard ou Lille au moyen d’un iPad. Et puis les écrans se rallument lorsque l’avion percute un nuage. Fiction ? Non, c’est ce qui nous est arrivé un soir d’hiver, j’étais dans cet avion, et c’est pourquoi je crois toujours que tout peut s’arranger.
Si rien n’est jamais acquis, c’est avec toujours autant d’envie que nous imaginons votre magazine chaque mois et que nous organisons nos grands rendez-vous avec vous.
Je pense à nos Salons des Formations et Métiers de l’Aérien, celui du Bourget, début février, et celui de Toulouse, fin septembre, où les jeunes viendront trouver l’inspiration en écoutant nos collaborateurs et amis mécaniciens, pilotes, ingénieurs, contrôleurs, etc. Je pense aussi à l’ambitieux Friendly Fly-In qui se tiendra fin juin sur la plateforme d’Orléans-Saint Denis-de-l’Hôtel où les organisateurs dont nous sommes et leurs sponsors veulent inviter à déjeuner les équipages de 300 avions.
Je pense à Emmanuel Davidson qui suit toujours avec autant d’intérêt les grands dossiers qui lui ont été confiés lors de sa nomination à la tête de l’AOPA France : l’avancement de la « Road Map for General Aviation » qui revoit les principes de base de l’EASA en matière d’aviation générale afin de définir une stratégie à moyen et long terme qui soit propre à notre aviation, sans influence de la législation appliquée aux compagnies aériennes.
Et aussi la Part M Light pour arriver enfin à une réglementation nous permettant un système d’entretien réaliste, adapté à nos besoins en sécurité́ et non à ceux du transport public.
Et encore le lobbying sur la reconnaissance de matériels certifiés à l’étranger, l’adoption de règles simples pour permettre leur installation : les indicateurs d’angle d’attaque, les feux LED, de nouveaux glass cockpits et pilotes automatiques, tout ce qui permet en fait de réduire la charge de travail du pilote, de diminuer les entrées dans des espaces réglementés et, surtout, d’augmenter la sécurité́.
Et enfin, tous les sujets connexes au Part FCL (Flight Crew Licensing) où l’incertitude règne quant à nombre de sujets concernant les licences, qualifications et annotations ; au Ciel unique (SESAR) où se joue l’avenir de nos espaces aériens car nous devons pouvoir continuer à accéder aux aéroports, passer les filtres de sécurité́ en tant que membres d’équipage, ne pas être empêchés d’arriver ou de décoller au prétexte que les avions de ligne sont prioritaires ; aux zones militaires, car il n’est pas acceptable que des pans entiers du ciel soient considérés comme impénétrables alors qu’aucun vol militaire n’est en cours ; à l’ADS-B, adopté partout sauf en Europe, alors qu’il permet au contrôle aérien de bénéficier de tous les éléments propres à un vol et aux pilotes équipés – après un investissement de l’ordre de 200 euros – de recevoir en retour des informations météo et de trafic…
La liste des tâches qu’il nous reste à accomplir est immense, mais nous ne baissons pas les bras pour autant, quelles que soient les circonstances car l’enjeu en vaut la chandelle. Ainsi, le 14 décembre, comme nous devions décoller vers Lyon à 15 heures alors qu’une grève de contrôleurs portant des gilets jaunes perturbait le trafic aérien de façon inopinée, je me suis surpris à râler sur la fréquence TWR de Melun, après avoir reçu successivement un créneau à 15 h 05, puis 15 h 11, puis 15 h 05, puis 15 h 12, puis 16 h 30 et, au moment j’allais annuler le vol, 16 h 00. C’était stupide, évidemment, d’autant que mon interlocuteur était calme, courtois, sympa et… non gréviste, forcément. Pour ma défense, je n’ai pas été le seul à perdre mon sang-froid ce jour-là : « Aviation is a serious business ! » a hurlé sur la fréquence de contrôle un peu plus tard un pilote volant vers Madrid lorsqu’il a dû prendre un cap vers Rome pour cause de régulation.
Mais, à l’instant où nous avons percé les nuages bas, gris, sales, et que nous nous sommes retrouvés dans le grand silence bleu, c’était tellement agréable, si paisible. Il n’y avait plus que le ciel pour nous bercer et tout a alors été oublié, voire pardonné.
Excellente année 2019 !
Jacques CALLIES