Par Nicolas Kubacki, Photographies de l’auteur et Fred.
Les dernières années, la météo n’avait pas été de notre côté (séjour écourté, parcours modifié, vol à la limite du VFR…), mais nous avions toujours réussi à partir quelques jours… Notre première idée, pour cette escapade 2016, était de réaliser un « Tour de France » en commençant par l’Ile de Ouessant. Et pour éviter tous les soucis des années précédentes (annulations tardives d’hôtels et déception de ne pas pouvoir réaliser notre ambitieux programme), cette fois-ci, on ne réserve rien à l’avance !
Quelques jours avant le départ, force nous est de constater que la météo sur la France n’est pas très engageante… En revanche, le Nord semble nous ouvrir ses cieux ! Et si on partait vers le nord de l’Allemagne, voire même la Suède, en fonction de l’évolution au jour le jour ? OK, on y réfléchit, on surveille ça, on cherche la documentation et on trouve de l’argent local… Eh oui, avec tout ça, on en oublierait presque que le Danemark et la Suède n’utilisent pas l’Euro…
Lundi : EBLG-EHGG. 160 Nm et 1 h 40 de vol
Quelques jours plus tard, nous sommes à Liège EBLG et préparons notre habituel C172 OO-HBR pour notre premier leg en direction des Pays-Bas. C’est Fred qui est en place gauche pour cette étape vers Groningen EHGG, tandis que je m’occuperai de la navigation et de la radio. Mais depuis que Fred possède un iPad équipé de Sky Demon, il faut bien avouer que la préparation et le suivi de la navigation s’en trouvent très fortement facilités… Quant à la radio, après quelques bavardages informels avec nos copains de la tour de contrôle, nous passons avec le Flight Info militaire pour nous assurer que les zones d’entraînement au tir air-sol ne sont pas actives. Au passage de la frontière, nous passons avec Nieuwe Milligen, le FIC militaire hollandais… où le silence règne en raison d’un NOTAM précisant que le service n’est pas assuré (à l’exception des emergencies) de manière continue en raison d’un manque de personnel… Tiens, c’est comme chez nous, ça… Nous traversons donc le pays du sud au nord et préparons notre arrivée. Piste 05 en usage avec un vent 120/17kt G25kt… Oups, comme le dira Fred ensuite, l’atterrissage le plus difficile de sa vie de pilote privé… Après l’avitaillement, le ravitaillement en terrasse pour nous.
EHGG-EDHL. 180 Nm et 2 h 20 de vol
À mon tour de prendre la place de gauche pour cette deuxième étape qui nous emmènera vers Lübeck EDHL. Pas au plus court, mais en volant vers le nord pour rejoindre et suivre les Îles de la Frise dont beaucoup sont pourvues d’un petit aérodrome… En cas de soucis techniques, on a des solutions juste sous nos ailes. Nous contournons ensuite Hambourg par le nord et arrivons à Lübeck, autorisés à joindre directement la finale pour la piste 07. Après avoir fait le plein de 100LL, nous parquons et attachons notre C172 sur le parking en herbe. Le soir, nous nous contenterons d’une petite visite de la ville tout en cherchant un restaurant.
Mardi : EDHL-EDCP. 110 Nm et 1 h 25 de vol
À nouveau, ce matin, il fait un temps magnifique pour voler ! Nous finalisons notre dossier de vol (météo, plan de vol, analyse des NOTAM) et partons en direction de l’est pour un vol assez court à destination de Peenemünde EDCP. Attention, un NOTAM indique qu’en raison de trous dans la piste, seule la seconde partie est disponible pour l’atterrissage en piste 13. Il nous reste 1 200 m, ce qui est suffisant pour notre C172. En arrivant, l’agent AFIS s’évertuera à nous expliquer, en allemand, la situation… Nous ne parlons pas l’allemand, mais nous comprenons ce qu’il veut dire… « Yes Sir, we have read the NOTAM ». Ensuite, nous marchons 2 km pour nous rendre au Musée Historique et Technique de Peenemünde, ancien centre d’essai militaire entre 1936 et 1945. Cela nous permet aussi de faire autre chose que voler…
EDCP-EKRK. 130 Nm et 1 h 20 de vol
Début d’après midi, retour sur l’aérodrome pour préparer le deuxième vol de la journée. Tiens, un peu d’huile sous le moteur… Le HBR est coutumier de ces petites pertes… Mais faudra tenir cela à l’œil… Nous faisons l’appoint en huile et décollons en direction du Danemark. Nous éviterons la directe vers notre destination pour privilégier une route permettant le plus court survol maritime… La Mer Baltique est bien belle vue à 4500 ft, mais nous n’avons aucune envie de prendre un bain qui ne doit pas dépasser quelques degrés… Une demi-heure plus tard, j’entame la descente vers Roskilde EKRK. Accueil très sympa mais il y a du monde dans le circuit ! Je rejoins le downwind piste 11 et atterris au Danemark… Une première pour nous deux ! Le plein d’essence est fait et je déplace le Cessna vers l’apron Aviation Générale tandis que Fred se bat avec le terminal de payement pour essayer d’avoir un ticket ou une mini-facture… En vain. Il l’obtiendra le lendemain au bureau de piste. Ensuite, nous prenons un taxi jusqu’à la gare puis un train jusqu’à la périphérie de Copenhague où nous séjournerons dans un petit appartement très agréable trouvé sur le site Airbnb. Le soir, petite balade et repas dans le centre-ville.
Préparation de notre habituelle monture : le Cessna 172 OO-HBR.
Mercredi : EKRK-ESMQ. 145 Nm et 1 h 55 de vol
Pour ce troisième jour, cap au nord-est vers la Suède. En arrivant à l’aéroport, notre première tâche est d’acheter les cartes de la Suède au Pilot Shop local. Sitôt après le décollage, Fred évite Copenhagen par le nord tout en montant vers 4 500 ft. Assez vite, nous quittons Roskilde Approach pour passer avec Sweden Control qui s’occupe aussi bien des VFR à basse altitude que des airliners qui croisent à 30000 ft… ce serait amusant d’entendre un de nos SN Brussels Airlines sur la fréquence… Mais ce ne sera pas le cas… pour le moment… Des forêts à perte de vue, des lacs, très nombreux, et par-ci par-là des petits villages… Dépaysement garanti. Et lorsque nous approchons d’une TMA, le plus difficile est de prononcer correctement le nom de l’unité ATC… Junghybed, Ronneby… On dirait un catalogue IKEA ! Fred entame la descente vers Kalmar ESMQ où l’attend à nouveau un vent plein cross… Et seconde surprise : il fait frais ! 15 °C et du vent… Brrr, vite un pull ! Pendant que nous ravitaillons, un Saab 2 000 assurant les rotations avec Stockholm Bromma se pose. C’est justement notre prochaine étape. Accueil très chaleureux dans cette petite aérogare où la cafeteria offre un délicieux petit buffet pour nous restaurer.
ESMQ-ESSB. 175 Nm et 2 h 00 de vol
J’effectue le vol suivant et décolle de la piste 05 mieux orientée dans le vent. Cap vers Stockholm à 4 500 ft. Vol sans histoire jusqu’à la prise de contact avec l’approche de Stockholm qui nous donnera un cheminement VFR vers la CTR de Bromma ESSB. En contact avec la Tour, je joins directement la base piste 12. L’approche est assez impressionnante : une petite colline en finale et cette piste en cuvette installée dans la périphérie de la ville de Stockholm. Et là, surprise : le premier avion au holding point est un Avro RJ100 de SN Brussels Airlines !
L’équipage a dû être surpris de voir ce C172 immatriculé en Oscar Oscar se poser devant lui… Chers compatriotes, bonjour ! Je roule jusqu’à l’Apron E qui est géré par Grafair qui s’occupera de notre handling… Condition sine qua non pour obtenir de l’Avgas qui est en stock très limité ici à Bromma. La proximité de cet aéroport avec la ville nous permet de rejoindre notre hôtel en 15 minutes de bus à peine. Nous profitons de cette fin de journée pour parcourir le centre-ville et les alentours du Parlement et du Palais Royal… C’est à ce moment-là que nous réalisons que nous sommes tombés en plein pendant la semaine de l’Eurovision ! Il y a, ici et là, des mini-concerts ou des soirées VIP très animées… Mais pour nous, après ces 3 journées de vol, il est temps de nous reposer.
Jeudi : day off
Aujourd’hui, pas de vol au programme… Ouf, ça va faire du bien. Mais pas question de végéter à l’hôtel, malgré le réveil très matinal : nous avions oublié qu’ici le soleil se lève très tôt et qu’il fait grand jour dans les chambres dès 4 heures du matin ! Nous comprenons pourquoi l’hôtel propose des chambres sans fenêtre ! À retenir pour un prochain voyage. En route vers le musée Vasa où l’on peut découvrir cet énorme navire de guerre sorti de la boue et des flots en 1961 après 333 années passées sous l’eau. Un peu plus loin, c’est le musée ABBA que nous visitons. Et même si ce n’est pas trop de notre génération, tout le monde connaît ABBA et ses tubes éternels… Retour dans les années 70 ! Après nous être encore longuement promenés dans différents quartiers de Stockholm, nous rentrons à l’hôtel pour préparer les vols du lendemain. Nous avions prévu de rentrer en 2 jours en passant par Göteborg et l’ouest du Danemark, mais nous décidons d’effectuer le trajet retour en une seule journée car Fred doit absolument être de retour chez lui le samedi. C’est tout à fait réalisable mais ce sera une grosse journée…
Il nous faut trouver un fuel stop idéalement situé à mi-chemin entre Stockholm et Liège. Ce sera Maribo EKMB, dans le sud du Danemark, juste avant la FIR de Bremen. Après un petit appel téléphonique pour nous assurer que la 100 LL est disponible sur place, nous nous répartissons les tâches, installés autour d’une grande table basse dans le hall de l’hôtel : à Fred la programmation du Sky Demon, à moi le tracé sur les cartes papiers et la préparation des fiches VAC. Ainsi, demain matin, il ne nous restera plus qu’à prendre les dernières conditions météo et les NOTAM.
Mais dans l’immédiat, direction le centre-ville pour le dernier dîner de cette escapade 2016.
Les musées de Peenemünde et de Vasa, à Stockholm. Impressionnants !
Vendredi : ESSB-EKMB. 360 Nm et 3 h 40 de vol
Petit-déjeuner très matinal mais copieux pour affronter les 2 vols du jour. Point positif, pour la première fois depuis notre départ, nous allons bénéficier d’un vent arrière d’environ 10-15 kt… toujours bon à prendre. Arrivée à Bromma où notre modeste C172 nous attend entouré de Gulfstream 5, Citation et autre Falcon. Petit détail amusant : 2 petits tapis rouges sont posés de part et d’autre du petit Cessna… Waouh, ça le fait ! Mise à jour des vents dans le Sky Demon, envoi du plan de vol, préparation de l’avion… 8 h 30, Fred démarre. Le taxi s’effectue entre un DA42 et un Saab 2000. Comme lors de l’arrivée, nous suivons le cheminement VFR qui nous est donné pour quitter la CTR par le point SVARTSJO (et mon accent suédois ne s’est pas amélioré en 48 heures…). Ensuite, je demande le FL65 avec l’approche de Stockholm et Fred met le cap direct vers Maribo EKMB. Une fois en croisière, avion trimé et leaning effectué, nous profitons de ces paysages si différents de nos contrées habituelles… Et nous avons bien le temps devant nous : plus de 300 Nm à une vitesse sol de 90 kt et des fréquences très calmes… Ça va être long… Ça va être pour nous deux le plus long vol en tant que pilote.
Quelques parties de Trivial Poursuit sur iPad plus tard, nous approchons de la courte traversée maritime entre la Suède et le Danemark. Mauvaise surprise, l’ATC suédois nous demande de descendre à 1500 ft afin d’éviter la TMA de Copenhagen… « Any chance you could coordinate with Copenhagen Approach a higher altitude ? ! ». La réponse fuse et n’appelle aucune discussion : « Negative ! Start descent now to be at 1500 ft before the swedish coastline… ». On obtempère mais on râle un peu : il nous reste 115 Nm jusqu’à Maribo et surtout on préférerait effectuer la traversée à 6500 ft plutôt qu’à 1500 ft… en cas de panne moteur, ça laisse une chance de ne pas finir tout mouillés… Ensuite, il nous faut contourner la CTR de Copenhagen : par le sud, c’est la mer, par le nord, c’est la ville même. « Et si j’essayais de demander directement à Copenhagen Tower la traversée de sa CTR ? ». Et là bonne surprise : nous sommes autorisés à transiter la CTR à 1500 ft, sur un cap 220 pour voler parallèlement à l’axe d’approche des pistes 22. Le sympathique contrôleur nous précisera même : « That will bring you over the channel with the airport on your left side and the city on the right side… Enjoy ! ». « Thank you and for sure we will ! ». Et nous voilà à 1500 ft avec une vue magnifique de la capitale danoise sous notre aile droite… Les appareils photos s’en donnent à cœur joie ! Nous passons ensuite avec Copenhagen Departure et remontons à 4500 ft pour le reste du vol vers Maribo où Fred atterrit après 3 h 40 de vol. Il va sans dire que sortir du C172 fait un bien fou à nos jambes.
EKMB-EBLG : 340 Nm et 3 h 10 de vol
Après avoir ravitaillé le HBR, nous mangeons nos sandwichs achetés le matin à Stockholm et finalisons la préparation du dernier leg de ce périple : Fred envoie le plan de vol tandis que je vérifie les NOTAM et la météo. Bonne nouvelle, les TAF de mi-journée ne font plus apparaître de risque d’orage sur Düsseldorf, Maastricht et Liège. Ce dernier vol d’environ 3 heures s’annonce très calme lui aussi… Et c’est contents d’être bientôt à la maison que nous quittons la FIR danoise après activation du plan de vol sur la fréquence. Je monte au FL65 en direction de Lübeck et Fred demande à Bremen Info de coordonner notre transit au travers des espaces contrôlés C/D de Hambourg avec le service d’approche. Après vérification, cela nous est refusé… OK, Fred redéfinit rapidement une route dans Sky Demon qui contourne les TMA par le sud-est. Quelques minutes de vol qui se rajoutent, ce n’est pas bien grave, d’autant que nous bénéficions d’un bon vent arrière qui nous permet d’afficher 120 kt de vitesse sol ! Appréciable ! Comme ces jolis petits cumulus qui commencent à se développer devant nous… signe d’une bonne activité thermique. Nous allons alors vivre 2 heures très fatigantes : beaucoup de turbulence et surtout de nombreux courants ascendants et descendants qui s’enchaînent… et hop, + 300 ft en quelques secondes… Il m’est très difficile de tenir mon altitude. Et même si nous volons en classe G, je préfère que Fred prévienne le FIC… Cela ne se calmera qu’à l’approche de Geilenkirchen ETNG où sont basés les E-3 Sentry (AWACS) de l’OTAN. On peut d’ailleurs en distinguer quelques-uns sur l’aéroport.
Il est à présent temps de préparer l’arrivée sur Liège. On capte déjà l’ATIS… qui indique qu’il n’y aura pas de service ATC entre 19.00 et 19.45 LT… Heureusement, nous serons posés bien avant ! Cela doit être récent comme info car cela n’apparaissait pas dans les NOTAM que j’avais relevés avant de quitter Maribo. Nous quittons le Flight Info de Langen pour contacter l’approche de Maastricht/Beek et croiser leur TMA à 3500 ft via le VOR de MAS. Ensuite, cap sur Liège EBLG.
Et enfin, nous voici sur la fréquence de l’approche de Liège où nous recevons une directe vers le downwind pour la piste O5R. J’entame donc une descente douce vers 1 500 ft tandis que nous profitons d’une belle vue sur la ville… Downwind, base, final… et posé final à Liège. Il y a peu de trafic sur la fréquence et nous en profitons pour converser avec le contrôleur tour (qui est le même que le jour de notre départ) durant le long taxi vers les hangars au nord du terrain. Il est 16 h 30. Je coupe le moteur… Dernier selfie… On a vraiment l’air très fatigué !
1600 Nm en 5 jours : facile avec les outils d’aujourd’hui
Cette aventure de 5 jours au cours de laquelle nous avons parcouru environ 1 600 Nm, nous l’avons préparée en quelques jours à peine. Avec les outils modernes dont nous disposons grâce à Internet, ce fut assez facile de trouver des hôtels au jour le jour, d’accéder aux AIP nationaux pour y consulter les cartes des aéroports du lendemain ou de demander notre PPR pour Bromma. Nous qui sommes habitués à voler dans les espaces parfois très complexes de la Belgique, nous avons été fort surpris de voir la simplicité et la clarté des espaces traversés tout au long de cette semaine : une CTR, une TMA au dessus, et tout autour de la classe E ou G… Facile…
Et même si nous adorons voler en France, nos prochaines escapades viseront aussi d’autres pays d’Europe !