Un lecteur en colère nous a téléphoné récemment pour dénoncer les attaques réglementaires auxquelles notre aviation de loisirs doit fait face ces dernières années, et qui la font mourir à petit feu, dans un silence indifférent. Il a quand même loué nos efforts, je l’en remercie, et ceux de quelques autres, dont Françoise Horiot, présidente du GIPAG, qui représente les professionnels, et par ricochet les pilotes, avant de s’en prendre aux « défecteurs », ceux qui ont baissé les bras et pilotent désormais des… ULM !
Tout cela, on le sait, on s’en inquiète sincèrement et on lutte contre cette mort annoncée avec nos maigres moyens, par la plume ou au travers de l’AOPA.
Cependant, il serait injuste d’en vouloir à ceux qui ont décidé de virer leur cuti. Pratiquer un sport, une discipline sportive, ne signifie absolument pas en épouser la cause et les combats. Tout le monde n’a pas l’âme d’un Saint-Just, surtout pour qui se souvient que cet exalté a fini guillotiné.
Ne nous trompons d’adversaire. L’adversaire n’est pas ce pilote IFR, propriétaire d’un Seneca V, qui nous apprend au salon de Blois qu’il a revendu par dépit son bimoteur tous temps pour acheter à la place un superbe ULM biplace qu’il nous propose d’essayer bientôt.
L’adversaire n’est pas l’instructeur pilote professionnel qui se bat pour équilibrer les comptes de sa petite SARL familiale et ne sait comment amortir les nouveaux coûts que vont supporter les exploitants SPO (Special Operations). Lui aussi semble lorgner vers l’ULM comme le laisse entendre son courriel : « Part M, F, Part 145, licence 66, butées calendaires françaises, butées horaires françaises, je suis fatigué de la discrimination. Oui, je sais, nos sociétés ont bien plus de trésorerie que les aéro-clubs ou les particuliers, c’est bien connu. Mais quelle différence de traitement avec mes concurrents ulmistes qui font du travail aérien et de la formation eux aussi sans être soumis au Part SPO et qu’on ne cherche pas à assassiner à coups de textes réglementaires débiles ! Je suis Français, chef d’entreprise en France, et j’ai honte de notre politique économique, de notre réglementation arbitraire. Quand je vois la simplicité, la sécurité, l’aisance que les pilotes ont pour voler aux US, je me pose de sacrées questions sur notre avenir aéronautique en France… ou plutôt en Europe. »
C’est vrai, on est en droit de s’interroger sur l’aveuglement des technocrates de l’EASA et leur acharnement à fragiliser l’aviation individuelle au profit de l’aviation de masse. Souvent, on nous parle de nécessaire vertu, de cercle vertueux, cet enchaînement circulaire de mécanismes divers créant et entretenant des effets favorables sur notre société. Nous sommes pour, bien sûr, mais à condition que les décideurs prennent en compte les dommages collatéraux que provoque « leur » spirale vertueuse. Et qu’elle soit incontestablement vertueuse !
Voici un exemple à méditer. Dans un courrier adressé il y a un an aux propriétaires d’avions légers basés à Cannes-Mandelieu, le délégué DSAC-SE et le directeur de l’aéroport ont invité ces derniers à équiper dans les deux ans leurs appareils en silencieux d’échappement. Leur but est clair : « L’aéroport de Cannes ne perdurera dans les meilleures conditions que s’il devient un aéroport vertueux ».
Quoique coûteuse et pas toujours réalisable techniquement, l’idée est vertueuse même si l’on sent poindre derrière elle la classification Calypso concernant les avions de moins de 8 618 kg (soit les 19 000 livres des FAR Part 23) qui décidera un jour ou l’autre de votre droit de décoller ou pas en fonction de l’heure.
En apparence, car quelques mois plus tard, la principale piste de Cannes a été fermée pour être refaite et renforcée afin de permettre l’accueil des biréacteurs de 35 tonnes, plus silencieux que les jets de 22 tonnes autorisés jusque-là mais qui, de toute façon, ne sont pas concernés par la classification Calypso.
Plus silencieux que nos avions légers ?