Jean Boyé, l’ami qui a fait un long bout de route avec notre rédaction dès que sa retraite d’Air France lui en a laissé le loisir, a toujours défendu les mérites de ce qu’il appelait le compagnonnage, se référant de façon imagée à ce moyen français de transmettre savoirs et savoir-faire par l’apprentissage à travers une communauté. Le compagnonnage était une quasi-religion pour lui, il a orienté sa vie de pilote et d’instructeur bénévole, et s’il n’a pas été le premier à défendre ce concept en aviation générale, il a été le premier à le formuler précisément, à nous en expliquer la nécessité. Il prêchait un convaincu en ce qui me concerne car j’avais moi-même, lors de mon passage en aéro-club dans les années quatre-vingt, partagé régulièrement pendant une année le cockpit de Pascal Philippart, un industriel qui utilisait régulièrement l’avion pour ses déplacements et qui ne manquait jamais de prévenir quand il volait seul.
Comme Pascal prenait énormément de plaisir à piloter, qu’il réglait les factures et que, de plus, la notion de partage des tâches n’avait pas été inventée, nous n’avions rien d’autre à faire qu’à nous taire et observer. Et à assimiler ce que 40 heures d’instruction vite expédiées, par beau temps en plus, n’avaient pas pu nous enseigner. Je n’ai pas appris tout ce que je sais avec lui seul, plein d’autres Pascal ont suivi, il m’a fallu aussi mener mes propres expériences, mais je suis certain que la première vingtaine d’heures passée à ses côtés m’a ouvert des horizons insoupçonnés et surtout incité à reproduire le même schéma, à savoir partager mon cockpit à chaque fois que cela est possible.
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