Hier, j’ai pu lire à la fin d’un mail envoyé par John Griffith, un pilote rencontré le mois dernier à Boston, un surprenant post-scriptum : « Jacques, sorry about our election. » Cela m’a surpris car les Américains sont très discrets quant à leur vote, ai-je appris lors de la première élection de Donald Trump, en me faisant raccrocher au nez après avoir exprimé au téléphone mes condoléances à un type de Textron qui appelait notre rédaction depuis Wichita : « Screw you ! I voted Trump ! » On apprend de ses erreurs, dit-on, et pourtant, j’ai remis cela à mon insu, mon angoisse devait être certainement palpable à la veille de ces nouvelles élections américaines.
Bon, Trump est repassé, la terre n’a pas arrêté de tourner, du moins pas encore, nos compatriotes se sont reboostés, entre les agriculteurs qui repartent à l’assaut de nos préfectures et les cheminots qui ont décidé de gâcher les fêtes de Noël, faisant fi d’une tradition séculaire, cette trêve que même les ennemis de la patrie avaient à cœur de respecter.
Si l’on y ajoute la guerre en Ukraine, au Moyen-Orient, le narcotrafic et ses violences quasi quotidiennes, la dette de nos pays, la dissolution et l’instabilité politique, l’inflation et les petits riens qui impactent sensiblement notre quotidien, il est bien dur d’écrire un dernier édito de l’année qui se doit d’être optimiste.
En fait, pour ne rien vous cacher, j’avais confié cette mission à Emmanuel Davidson avant qu’il ne me rappelle qu’il serait en Chine au moment du bouclage, occupé par ses conférences et les rencontres avec l’aéronautique de l’empire du Milieu.
Et voilà que, ce samedi, devant mon ordinateur, un peu déprimé, je reçois l’appel de Pierrick, un lecteur atypique qui m’avait demandé en 2021 de convoyer son Cessna Centurion pressurisé, aux systèmes fonctionnant de façon un peu rock’n’roll, qu’il avait acheté aux USA « parce qu’il était beau ! ». On s’était parlé depuis, mais je ne l’avais pas revu et voilà qu’il m’invitait à faire un vol avec lui : la bonne idée !
Il faisait beau, enfin presque, donc il y avait plein d’avions dans tous les secteurs de l’Est parisien, les contrôleurs derrière leur radar étaient sympas sur la fréquence, les nombreux pilotes fréquentant les aéroclubs de la plate-forme de Lognes – il y en a bien une douzaine – patientaient au point d’attente, correctement axés à bonne altitude sur les trajectoires de départ et d’arrivée afin d’éviter de survoler les ronds bleus – je ne pense pas pour autant que nos agressifs riverains aient remarqué leurs efforts –, et, surtout, Pierrick était heureux, drôle, à l’aise aux commandes de son Cessna.
Ah, quelle bouffée d’air !
Aller vers l’autre, prendre le temps de le rencontrer en vrai et non pas au travers de posts sur Facebook, de tweets sur X, de vidéos sur TikTok, est la seule chose qui vaille la peine d’être vécue.
Vous savez mon attachement à cette revue que nous éditons depuis 50 ans, contre vents et marées, elle permet le partage, notamment celui de l’expérience aéronautique, mais c’était insuffisant. Il nous fallait autre chose pour nous satisfaire pleinement, comme de construire un avion avec des lycéens, de créer Aviation et Pilote Club pour faire l’expérience de la vie associative, organiser des raids vers Moscou, Oshkosh ou les ours du Spitzberg, participer à la vie du GIPAG et d’associations de pilotes comme l’AOPA France et le CAP.
Ce Cercle Aéronautique du Parlement, que dirige Philippe Favarel, est assez exemplaire : il fonctionne un peu comme une fédération d’aéroclubs, mais de façon généreuse, moins politique qu’une fédé agréée qui ne peut que difficilement mordre la main ministérielle qui la nourrit ; et, en plus de fédérer des aéroclubs aux quatre coins de la France, d’aider ceux dans la difficulté, le CAP propose des moments de partage, la découverte des grands avionneurs, aussi bien que des innovateurs, ces jeunes dirigeants de start-up qui travaillent à la transition aéronautique.
L’Homme, avec un grand H, reste au centre des préoccupations et actions du CAP, Philippe le veut ainsi, il s’y efforce en toutes circonstances : « Ceux qui pensent que c’est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui essaient, merci ! »
Il le faut, car les menaces qui nous concernent sont là, entre le réchauffement global et l’échauffement des esprits qui donnent envie aux écologistes d’arrêter carrément les avions, les nouvelles taxes, les nouvelles normes de performance sonore, l’interdiction prochaine de la 100 LL, la perspective de devoir remplir nos réservoirs avec des carburants propres, mais hors de prix, etc.
Mais laissons cela à l’année prochaine, souhaitons-nous plutôt d’heureuses fêtes de Noël !
Jacques CALLIES