Manque de chance ? Peut-être pas. Toujours est-il que les congés d’été de la rédaction ont été calés par le plus grand des hasards sur le calendrier des Jeux olympiques. Ce qui fait que la planification du vol le plus simple est devenue un challenge du fait des contraintes sécuritaires liées à cet événement, l’obligation d’être agréé par l’Autorité longtemps à l’avance, de devoir déposer une intention de vol auprès du « réseau de confiance » de l’aérodrome une semaine avant chaque vol, de devoir obtenir un PPR pour les aérodromes de destination, de toujours déposer un plan de vol, et des nouvelles ZRT et ZIT avec trajectoires à respecter…
Aussi, ai-je préféré rester « grounded » le temps des JO, ce qui aura au moins satisfait Charlène Fleury, la coordinatrice de la branche française du réseau « Stay Grounded » (voir infra).
Je ne l’ai pas regretté car, en plus de vibrer devant les performances de nos sportifs, j’ai découvert la ferveur populaire qui a porté ces derniers. Oubliés les doutes, les récriminations et la mauvaise humeur ambiante, les Français étaient devenus heureux, insouciants, unis pour encourager leurs athlètes dans leurs défis sportifs. Et cela m’a redonné confiance, tout était donc possible ! Car il va nous falloir de l’enthousiasme, de l’envie, de l’harmonie, donner de notre personne si nous voulons vaincre les obstacles à venir.
Ainsi, pendant cette parenthèse estivale, le monde a continué de tourner, des arrêtés sont tombés, comme celui entré en vigueur ce 17 juillet qui établit une nouvelle classification des avions légers selon leur indice de performance sonore (CALIPSO). Ces dizaines de pages d’une technicité effarante doivent permettre aux riverains de disposer de données objectives relatives au bruit émis par les avions qui les survolent ; et aussi d’assurer les pilotes qu’un avion ayant un certificat acoustique, quel que soit son classement, aura des autorisations de vol privilégiées durant les périodes où la gestion du bruit s’avère indispensable. Personnellement, je comprends qu’un avion non classé, ou mal classé, se verra plutôt interdire de vol pendant certaines plages horaires.
Autre moment estival nous concernant, il s’est agi d’un débat sur France Culture sur le thème : « Arrêter l’avion, est-ce possible ? » Avec Alain Gras, socio-anthropologue des techniques et professeur à Paris I, Nabil Wakim, journaliste au Monde, Charlène Fleury de Stay Grounded et Loïc Bonifacio, formateur à l’ESTACA. Il ne manquait que Milos Krivokapic qui m’avait informé de l’événement et qui s’est dit estomaqué !
Honnêtement, j’ai trouvé ce débat bien conduit, objectif car il a correctement mesuré l’importance toute relative de l’aéronautique dans le réchauffement global, envisageant avec réalisme les différentes pistes que sont l’hydrogène, la biomasse, l’électrique ; et aussi la possibilité ou non d’une éventuelle décroissance ; tout en n’omettant pas ce que véhicule l’aérien en matière de rêve, de relations sociales, etc.
« L’avion du futur sera-t-il vert ou le dérèglement climatique doit-il nous conduire à limiter nos déplacements en avion, voire à les arrêter au risque de transformer nos imaginaires et nos modes de vie ? » On s’en doute, à moins de progrès technologiques aussi ahurissants que foudroyants, l’équation est insoluble à résoudre car les promesses technologiques médiatisées resteront encore longtemps au banc d’essais. Les avions brûleront du carburant fossile tant qu’il y en aura, ce qui laisse comprendre que les objectifs de neutralité carbone pour 2050 ne seront pas tenus ; sans compter les intérêts économiques qui priment, comme ceux d’Airbus ou d’ADP, les centaines de milliers d’emplois que représente l’aérien qui se heurteront de plein fouet au concept de décroissance heureuse.
« Évidemment, on a tous des imaginaires de voyages lointains, de Saint-Exupéry, de tout ça. Mais quand même, je veux dire, si on doit attendre d’avoir transformé nos imaginaires pour faire face au changement climatique, on n’a pas fini d’attendre » a dit Nabil Wakim. N’en déplaise à Nabil, je ne pense pas que l’interdiction des compagnies low-cost et la taxation exponentielle des billets d’avion à partir du deuxième vol de l’année soient envisageables. A contrario, ce sont les offres forfaitaires, comme celle de Wizz Air « All You Can Fly » à 599 € par an, qui débarquent en Europe après les USA et le Canada.
Malgré tout, on peut être certain que notre aviation ne saurait échapper à l’échauffement global des esprits. Le salon d’Oshkosh a opportunément mis en évidence la volonté des pilotes américains, et aussi la nôtre, de voir l’aviation générale se corriger de ses défauts. Ainsi, en attendant la certification des moteurs du futur, il faudra régler la question du carburant car les nouveaux SWIFT et GAMI, carburants propres, devraient être environ 20 % plus chers que notre déjà trop chère AVGAS, avant taxation et frais de livraison. La question fondamentale est donc celle-ci : pourrons-nous continuer de voler avec un carburant propre, mais à plus de 4 € le litre ? Non.
La mobilisation est en marche aux USA, pourquoi pas en France ? Nous en sommes capables, ces JO de Paris nous l’ont prouvé.
Jacques CALLIES