Nous évoquons régulièrement les États-Unis, ses espaces aériens, ses normes de certification, ses formations rapides et son administration de tutelle FAA réaliste, car nous avons globalement à apprendre des Américains, particulièrement en matière d’aéronautique.
Cela s’explique. Outre-Atlantique, l’Américain est seul avec lui-même dès l’enfance, il n’a d’autre choix que d’agir, de réussir, de prendre ses responsabilités. Le Français, quant à lui, est entouré et protégé dans un système qui se voudra égalitaire pendant toute sa vie. De là découle forcément deux administrations bien différentes, l’américaine étant pragmatique et faisant confiance par principe, la nôtre étant frileuse et se voulant protectrice par principe.
Et, une fois encore, la FAA frappe fort avec son projet MOSAIC, pour Modernization of Special Airworthiness Certification. Il s’agit-là d’une tentative de faire repartir l’aviation générale, une volonté à la fois de l’administration et des différentes associations qui représentent les 700 000 pilotes actifs aux USA.
L’état des lieux est clair : la norme LSA a été créée il y a une vingtaine d’années parce que les avions ne donnaient pas envie aux jeunes d’apprendre à piloter. Mais cette norme n’a pas décollé, tellement elle est restreinte au niveau de sa définition : vitesse inférieure à 120 KTAS, hélice à pas fixe, train fixe, moteur à pistons uniquement, vitesse de décrochage basse, etc. Tant de contraintes qui ont bien trop limité les avions LSA au niveau de leurs performances.
Devant l’échec du LSA, la FAA a mené une étude conjointement avec les associations AOPA et EAA, et il a alors été constaté que le seul moyen de redynamiser l’aviation générale serait de frapper un grand coup !
D’abord en assouplissant les standards médicaux à un simple certificat de non-contre indication à la pratique du pilotage délivré par le médecin de famille, en partant du constat que les statistiques d’accidents montrent que le médical n’a pas d’influence sur leur nombre.
Ensuite en modifiant la norme LSA de manière qu’elle englobe des appareils plus attrayants : augmentation de la limitation de vitesse à 250 KTAS ; accroissement de la vitesse de décrochage au-dessus de 60 KIAS ; autorisation de tout type de moteur, sans limitation de puissance tant il est vrai que la puissance est régulée par le type de cellule – pas un constructeur n’équipera une cellule biplace avec une turbine de 800 hp – ; autorisation de toute avionique dernier cri. Et, enfin, accroissement du MTOW jusqu’à 1 350 kg.
Dans le même temps, il conviendra d’élargir les compétences du pilote LSA, licencié Sport Pilot, qui pourrait, avec son seul médical déclaratif et, une fois qu’il a fait preuve de sa compétence, piloter un avion comme un PA-28 ou un C172, à condition de n’emporter qu’un seul passager. La Sport Pilot permettra ainsi de piloter de petits biplaces performants, comme le VL3 916 de l’essai de ce mois, sans réelle contrainte administrative.
Enfin, il est prévu la reconnaissance des heures de formation sur LSA dans le cadre de l’obtention d’un PPL complet. Il n’y aurait donc plus réellement de barrière pour transformer une Sport Pilot Licence en Private Pilot Licence qui permet de transporter plus de passagers.
Génial, non ? D’autant qu’on est en droit d’espérer que notre vieille Europe prenne la balle au bond et s’inspire de cette prometteuse MOSAIC.
Cependant, une nouvelle menace plane sur nos têtes car, la nuit prochaine, un texte va être proposé au Sénat américain dans le but d’interdire l’AVGAS aux USA avant 2027. Les associations de défense des consommateurs ont hélas suivi, malgré l’engagement pris par les pilotes de ne plus utiliser de 100LL à partir de 2030.
Bien sûr, le fuel de remplacement UL100 de GAMI existe, il a été certifié, mais Emmanuel Davidson, qui rentre tout juste d’un congrès à Washington, m’a dit avoir été effaré par la violence de certains propos échangés entre les nouveaux pétroliers : « Les concurrents du GAMI lui mettent des bâtons dans les roues pour l’empêcher de commercialiser son carburant sans plomb. En gros, SWIFT et les autres lui reprochent d’avoir choisi la certification par STC, de ne pas avoir demandé de reconnaissance ASTM, la norme internationale. Ils clament que, sans certification ASTM, les distributeurs de fuel et les stations-service aéroportuaires ne pourront pas obtenir d’assurance responsabilité civile les couvrant en cas de dégâts aux moteurs qui fonctionneraient avec ce carburant. Du coup, la livraison de carburant GAMI se trouve ralentie, ce qui arrange SWIFT qui n’a pas encore obtenu la moindre certification ASTM ou autre. Il s’agit donc d’un combat bien typique des sociétés pétrolières « à l’ancienne » qui ne veulent pas voir la concurrence s’approprier un marché qu’ils n’ont pas encore réussi à obtenir. »
Emmanuel est donc pessimiste, il ne croit pas au monde des Bisounours. Quant à moi, incorrigiblement optimiste, je crois que la fin des hostilités sera signée bien avant que notre chère 100LL soit interdite. Cette paix des pétroliers 2.0 est obligée, car elle concerne les utilisateurs de quelque 400 000 avions légers à travers la planète.
Jacques Callies