La nouvelle classe 3 française ULM risque de faire du bruit dans le milieu de l’ultra léger et chez les constructeurs. Il est prévu, en effet, de créer une catégorie d’ULM pouvant aller jusqu’à 600 kilos à condition qu’elle incorpore des motorisations innovantes : turbine, pile à combustible ou moteur électrique. Certains pourraient y voir une forme d’avancée pour l’aviation générale ultralégère. Toutefois, cette possibilité, qui n’est encore qu’une dérogation expérimentale, exclut les technologies « non innovantes » comme les moteurs à pistons. Une décision étonnante quand on sait que Rotax fournit 90 % du marché de ce secteur. La demande d’un certain nombre de constructeurs de passer à 600 kg (une requête pourtant ancienne) avec des moteurs à pistons va donc pour l’heure rester lettre morte.
C’est en revanche une réelle opportunité pour le fabricant de turbines Turbotech qui va ainsi pouvoir développer son activité avec quelques constructeurs d’ULM rapides, dont les dirigeants ont été séduits par cette nouvelle motorisation. On institutionnalise un débouché pour un motoriste qui a besoin de datas pour fiabiliser son produit et c’est plutôt une bonne chose pour le développement que l’on peut imaginer par la suite pour l’aviation générale certifiée, mais également pour les autres secteurs comme les eVTOL ou les drones de fret. Cette possibilité répond également à la logique du financement accordé à Turbotech par la DGAC au travers du CORAC. Ce coup de pouce vient notamment du plus haut sommet de l’État qui a décidé de mettre la technologie française en avant.
Mais cette décision stratégique pose quand même un problème d’équilibre, voire d’équité. Les représentants de la FFPLUM ont toujours refusé, avec la DGAC, que les ULM à pistons passent à 600 kg, cela pour de nombreuses raisons techniques : choc à l’impact, compétence des pilotes, produits qui sont des quasi-avions, respect de l’esprit premier de l’ULM, etc. Résultat : partout ailleurs qu’en France, les ULM sont au poids maxi de 600 kg avec des motorisations plus puissantes, notamment des moteurs Rotax 915. Chez nous, les constructeurs doivent se plier à la règle des 525 kg et au 109 ch maxi. En Allemagne, par exemple, ces deux limites n’existent pas. Bilan des courses : des machines disponibles là-bas ne le sont pas en France. Typiquement, la version aile haute du B23, le B8 qui a fait son premier vol récemment est indisponible en France, à condition que le constructeur retravaille son appareil pour le faire rentrer dans les 525 kg… Les esprits les plus aiguisés rétorqueront que notre système est déclaratif et qu’en Allemagne, il faut passer par une mini certification… Mais cet aspect ne gênerait nullement les constructeurs français qui se passeraient volontiers des « 525 ».
Prenons G1. Les machines françaises sont à 525 kg, mais Serge Présent, son dirigeant, a fait l’effort technique de se conformer à la réglementation allemande. Ce surcroît de poids est intéressant. Tout le monde peut se réjouir que l’autorité permette cette nouvelle classe 3 pour aider des technologies émergentes à s’installer sur de l’ULM dans un premier temps. Mais, dans cette même logique de promotion du drapeau français, ne pourrait-on pas favoriser nos constructeurs en leur évitant un dossier technique supplémentaire pour aller vers les 600 kg en dehors de nos frontières ? On peut espérer, qu’après un temps, la phase expérimentale de cette nouvelle classe sera étendue aux moteurs à pistons, Rotax, UL Power et autres. Faute de quoi, les constructeurs les plus courroucés ne manqueraient pas de contester la réglementation devant les juridictions dédiées.