Notre été, période insouciante par essence, vient d’être endeuillé par la disparition accidentelle de Gérard Leclerc. Nos amis de WhatsApp et LinkedIn ont promptement versé une larme que je crois sincère tant Gérard, figure de premier plan du service audiovisuel public pendant des décennies, était un pilote sympa, simple et abordable au premier contact.
Or, curieusement, contrairement à ce que nous avions imaginé, le fait que Gérard soit pilote et ait perdu la vie à l’occasion d’un déplacement en avion n’a suscité aucun intérêt, aucune polémique, aucun débat lors des plateaux TV qui ont suivi sa disparition. Sur CNEWS, dont Gérard était l’un des débatteurs de premier plan de « L’heure des pros », j’ai entendu mentionner son décès dans un accident aérien. Un point, c’est tout. Certes, je ne m’attendais pas à ce que l’on compare l’empreinte carbone entre train et avion sur le trajet Loudun – La Baule, mais n’était-ce pas l’occasion pour ses confrères de poser des questions sur les apports intellectuels, émotionnels et personnels qu’offre forcément l’avion pour que l’on prenne parfois le risque de mourir pour une telle passion ?
Il nous faut donc nous remettre à l’ouvrage pour défendre l’aviation générale quand on voit la poussée écologique toujours plus forte, ce combat permanent étayé par des arguments fallacieux et des chiffres statistiques faux, voire volontairement bidonnés : il est bien connu que plus le mensonge est gros, plus il passe !
L’un des dossiers importants de cette rentrée est la refonte en cours des textes légaux encadrant la facturation des textes aéroportuaires : en bref, celle-ci vise à donner plus de liberté, voire une totale liberté, aux opérateurs aéroportuaires afin qu’ils puissent facturer des frais de parking, ajouter une taxe sur la quantité de carburant avitaillée, facturer les services liés à la présence d’un agent AFIS, imposer un handling obligatoire payant à chaque avion et non plus uniquement aux vols commerciaux, percevoir une taxe passager pour les vols privés, etc.
Cela ne se peut, le ciel est à tout le monde, clamons-nous en chœur derrière Gérard Feldzer, notre cher trublion national, encore qu’il se soit bien calmé avec l’âge. Mais que faire du ciel si nous n’avons plus les moyens de nous poser nulle part ? Je vous recommande la lecture du carnet de vol de ce numéro, « Tribulations africaines », et vous y découvrirez qu’il n’y a pas une escale poussiéreuse où l’on n’essaye pas de soustraire des poches de nos voyageurs au mieux 1 000 $. À titre de comparaison, Dallas Fort Worth Intl coûte 13,75 $ aux avions de moins de 3 000 lbs (MGW), et le parking de jour est gratuit.
Le second dossier est le risque aérien lié aux drones et la volonté de l’EASA de pousser l’aviation générale à se signaler auprès des opérateurs, ce qui peut s’envisager, mais il semblerait bien que la direction prise soit pour le moins incertaine, le risque est que ce signalement se fasse à partir de technologies inadaptées et incompatibles avec les standards déjà choisis ailleurs, ce qui signifierait des coûts importants sans réel bénéfice. Il nous faut donc convaincre au plus vite les décideurs de l’EASA de changer leur fusil d’épaule.
Enfin, il reste le travail pédagogique quotidien à effectuer auprès des pilotes, des élus, des riverains…
Auprès des pilotes pour remettre l’humain au cœur des sujets, car les centres de formation ne doivent pas être « des usines à cracher du pilote » comme me l’a confié récemment un instructeur, elles ont un rôle pédagogique et de gestion de l’individu à tenir.
Auprès des élus de tous niveaux en leur présentant l’aéronautique et ses progrès. Montrez à votre président de région, de département ou à vos élus locaux votre Elixir ou son équivalent, votre Pipistrel électrique, des avions qui annoncent l’aéronautique de demain et susciteront l’intérêt des jeunes. Pas du rêve, du concret…
Auprès des riverains, pas forcément auprès des associations représentatives qui, parfois, ne représentent qu’elles-mêmes. Écoutons leurs demandes, expliquons et agissons dans la mesure du possible, en proposant des vols d’initiation, des journées portes ouvertes, en séduisant…
Bref, ne comptons surtout pas sur la presse dite grande pour nous aider car elle fait son beurre de ce soi-disant désamour entre pilotes et simples mortels, désamour qu’elle sait entretenir parfaitement, mais battons-nous, n’arrêtons jamais de convaincre, d’expliquer les faits réels sur l’empreinte carbone de toute activité, y compris l’aviation, bien sûr, aidons les jeunes à comprendre les enjeux réels, ne laissons pas se creuser le fossé entre les pilotes et les citoyens qui n’ont comme référence aéronautique que des mal-pensants – d’autant plus bruyants et envahissants qu’ils sont ultra-minoritaires – qui se font un devoir quotidien de dénigrer l’aviation.
En fait, ne comptons que sur notre force.
Jacques CALLIES