Le week-end dernier, en déambulant dans les allées du toujours plus superbe musée de l’Air et de l’Espace (MAE) à l’occasion de notre Salon des formations et métiers aéronautiques (SFMA), j’ai ressenti les premiers signes du printemps : les visiteurs y étaient revenus en nombre, plus de 10 000 nous a fait savoir le très impartial accueil du MAE. Les directeurs des écoles de pilotage ou techniques, qu’elles soient françaises, britanniques, belges ou islandaises, avaient un moral de vainqueur ; les aviateurs et les marins des Forces armées françaises s’efforçaient à avoir la fleur au fusil en dépit du contexte international inquiétant ; quant aux représentants des employeurs de l’espace recrutement, ils se sont tous accordés avec moi sur le fait que les dernières pandémies de COVID-19 et de Flygskam n’étaient plus que de très mauvais souvenirs. On s’est même raconté quelques blagues à la mode avant de lever la tête vers les extraordinaires Concorde qui déployaient leurs ailes protectrices par-dessus les participants, futurs pilotes, ingénieurs et techniciens que l’Aviation attend avec impatience, par-dessus ce concentré d’intelligence heureuse que forment nos exposants et conférenciers. Et nous avons alors été intimement persuadés que l’aviation était la meilleure chose qui soit arrivée à l’Homme depuis le premier vol des frères Wright.
Et, pourtant, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, bien au contraire. L’aviation générale et ses pilotes sont mal-aimés comme jamais, il y a désormais un gendarme derrière chaque nuage au point que le pilotage en VFR devient l’une des activités les plus surveillées qui soient. Je ne parle pas des tests d’alcoolémie qui font fureur désormais aux descentes d’avion, même si je suis persuadé que 99,9 % des tests sont négatifs et qu’il en sera de même pour le cannabis et la cocaïne car on peut s’attendre à un dépistage des drogues dans les airs à la suite de l’affaire Palmade.
Et c’est normal car les pilotes avion, quel que soit leur âge, se comportent en adultes responsables. Je ne pense pas que les gendarmes de la BGTA en doutent du reste : comme tous les pilotes dans une longue carrière, j’ai été contrôlé régulièrement, particulièrement lors de nos retours tardifs – vous êtes alors une proie facile puisqu’il n’y a plus que vous sur l’aérodrome et que le feuilleton du soir est fini – et pourtant, je n’ai gardé aucun souvenir d’aucune tension d’aucune sorte. Juste la forte envie que tout cela finisse au plus vite pour qu’on puisse regagner nos pénates.
Je parle plutôt des mille obstacles qui font que le VFR joyeux et décontracté que nous avons pratiqué n’est plus qu’un lointain souvenir, par la faute de quelques-uns qui ne savent pas quoi inventer pour complaire au plus grand nombre, les Terriens, qui ne veulent pas entendre parler d’avion s’ils ne sont pas à bord.
Ce n’est pas étonnant quand on réalise qu’on n’a plus un ministère des Transports, mais de l’Écologie, et que le directeur de notre Aviation civile se doit de défendre la collectivité dans son ensemble. Ce qui fait forcément des hommes volants des laissés-pour-compte du système dans la mesure où nous sommes ultra-minoritaires.
Pour réaliser un article de ce numéro, j’ai volé avec Luc Rieu, un pilier de l’Aéro-Club Air France de Lognes, un pilote très confirmé, mais ce dernier m’a étonné lorsqu’il a demandé un virage immédiatement après le décollage, avec une verticale terrain et un départ vers le sud, alors que notre destination était Vatry, c’est-à-dire plein est : « Le circuit de piste, j’évite au maximum, il y a trop d’emmerdeurs prêts à porter plainte dès qu’on n’est plus sur le trait, il y a trop de flics prêts à leur emboîter le pas. En plus, les infractions pleuvent au moindre survol de village alors que, parfois, dans le coin, il n’y a pas moyen de faire autrement. Alors, j’assure et, en plus, je me simplifie la tâche ! » Ceci explique bien pourquoi les pilotes en région n’osent pas venir à Lognes ou à Toussus. Je les comprends d’autant mieux que le VFR dans notre coin stresse tout le monde sans exception désormais, entre les jours sans contrôleurs avec tours de piste limités, les plages de silence à ne pas oublier dimanche et jours fériés, les excès de vitesse radarisés comme sur la route, les ronds bleus dont le survol ne peut parfois pas être évité, bref, tout ce qui vous vaut une convocation devant un tribunal de flagrants délires, sauf qu’il n’a rien de satirique dans l’affaire, que ses magistrats ne sont pas des frères pilotes, que vous y serez condamné par principe et que l’amende vous coûtera généralement un bras.
La liste est longue, aussi serait-il bon qu’une association représentative des pilotes, FFA, AOPA ou FFPLUM, ouvre un cahier de doléances pour que nous puissions tous exprimer nos souhaits et récriminations afin de repartir sur des bases plus équitables et surtout plus réalistes. L’aviation générale n’est-elle pas à l’origine de tout ? On a donc besoin d’Elle !
Jacques CALLIES