Probablement lassés de cette guerre russo-ukrainienne, les médias de masse ont disserté ce mois-ci sur la plus ou moins mise à l’index des jets privés, envisagée par Clément Beaune, le ministre délégué aux Transports – eh oui, vous ne rêvez pas, c’est bien notre ministre qui joue contre son camp – dans le cadre des discussions gouvernementales sur le « plan sobriété », mais aussi au niveau européen à l’automne : « Je pense qu’on doit agir et réguler les vols en jet privé. Cela devient le symbole d’un effort à deux vitesses », a raconté Clément Beaune, qui semble découvrir combien les applications, tel Flightradar24, peuvent perturber la vie de tout un chacun, et donc celle des fonctionnaires, quand elles sont dévoyées. C’est ce que m’avait confié l’une de nos sources à la DGAC pendant la période de confinement COVID : « Même s’il le faudrait bien, on ne peut pas laisser décoller les avions pour des vols techniques, car on est déjà submergé de dénonciations téléphoniques, du style : Quoi ? vous avez laissé décoller le Fox-Machin alors que je suis enfermé dans mon deux-pièces cuisine ? J’hallucine ! »
Vous m’accorderez qu’on a échappé au pire puisque Julien Bayou, conseiller régional d’Île-de-France, secrétaire national du parti Europe Écologie Les Verts (EELV) et député de Paris, estimait nécessaire de les « bannir » carrément du territoire français, du moins jusqu’à ce que son actualité personnelle ne l’entraîne, fort opportunément, dans une autre direction. Mais le mal était fait puisque les médias de masse et, dès lors, la vox populi se sont accordés pour juger soudainement les jets privés des milliardaires et autres célébrités terriblement polluants !
Ah bon ? Je ne comprends pas. Il faudrait qu’on m’explique.
Je me suis étonné de l’absence de réaction de la profession, on m’a répondu qu’il y avait bien eu du brainstorming, une concertation avec la FNAM et que, finalement, il avait été décidé qu’il était urgent d’attendre, tout propos émanant de l’industrie aéronautique étant systématiquement déformé, ridiculisé, et retourné par les Verts. Heureusement, nos lecteurs sont bien plus impertinents, tel l’Ami Claude : « Nous avons un gouvernement essentiellement composé de gamins sans expérience, totalement déconnectés du monde réel, qui n’ont rien compris aux problématiques environnementales et financières. Qu’ils commencent par demander à « votre » copine Greta d’aller voir son copain Poutine pour lui demander d’arrêter ses conneries, et aux Chinois de cesser de construire des centrales à charbon ! »
Le meeting Air Legend de Melun a fait le plein, comme à son habitude, avec 65 000 spectateurs heureux. Quelques esprits chagrins n’ont cependant pu s’empêcher de faire entendre leur voix dans la presse régionale sur la pollution qu’engendrait un tel spectacle, sur cet événement anachronique et injuste, sur cette vision passéiste, ainsi que l’a exprimé l’écologiste régionale EELV, Bénédicte Monville : « Ce que nous reprochons, c’est le déploiement d’avions qui alimentent un imaginaire. Ce n’est pas compatible avec notre survie. On a eu ce rêve de voler pendant la révolution industrielle, mais il faut passer à autre chose. »
Et puis The Queen est décédée, tous les regards se sont tournés du côté de la Perfide Albion, le reste n’avait plus d’importance, sauf que le ver, sans jeu de mots, est toujours dans le fruit !
Je l’ai vérifié récemment lors d’un conseil municipal. Ma commune étant située à l’intérieur de la TMA de Melun, le premier adjoint, sachant bien que je pilote, m’a taquiné sur « ma » pollution du week-end alors que je n’avais contribué en rien à l’événement, il le savait, mais j’étais complice.
J’ai le sentiment que nous serons bientôt les victimes d’une injuste chasse aux sorcières, comme à l’époque de celles de Salem, accusées par milliers, lors de procès anti-sorcellerie de semer la maladie et la mort, avant d’être soumises à la question et brûlées vives pour certaines. Sentiment exacerbé par la parution d’une pétition en ligne visant à interdire les vols de loisirs.
Ne sommes-nous pas, pour le moins, déjà revenus au temps de Joseph McCarthy ? Certes, il ne s’agit plus de communisme mais d’émissions de CO2, avec une manipulation ahurissante des chiffres par une minorité radicale, misant sur une utopique décroissance joyeuse, qui entretient pour arriver à ses fins la peur, avec des partis pris anti-aviation où la méconnaissance rivalise avec la mauvaise foi, où tous nos efforts pour être plus silencieux et décarboner sont niés ou tournés en ridicule. Pourtant, aucune personnalité de premier plan dans l’aérien, aucun dirigeant de société, aucun président de compagnie ne tape du poing sur la table, personne n’ose traiter ces élus, minoritaires et pourtant envahissants, de « super menteurs ! » alors même que ces derniers en profitent car ils savent pertinemment que les gens se fichent bien de la vérité : ce qui compte, dans le fond, c’est ce qu’on leur fait croire !
Jacques CALLIES