L’air brûle cet été, nos avions à pistons se traînent à tous les stades du vol et je crois que chacun prend conscience que le « global warming » dont nous a rebattu les oreilles dès 1989 l’Américain Max Shauck, l’ancien pilote embarqué de l’US Navy, professeur d’université et chercheur émérite, n’était pas seulement une merveilleuse invention à fabriquer du sponsoring.
C’est Philippe de Segovia, notre rédacteur en chef de l’époque, qui avait découvert ce pilote assez fou pour traverser l’Atlantique via les Açores aux commandes d’un Velocity sous laissez-passer, fonctionnant à l’éthanol, afin de démontrer qu’il s’agissait d’un carburant sûr, quoique fabriqué à base de maïs ou de betterave, et donc sans plomb : « N’aurais-je pas fini au fond de l’Atlantique si ce n’était vrai ? »
Grâce à Philippe, Max est devenu un ami, assez pour nous intégrer, nous, les « Frenchies politically incorrects », dans l’équipe de sages de l’Université de Baylor où l’on retrouvait de vraies pointures, comme Paul Poberezny, fondateur de l’EAA, ou bien le pilote cardiologue de Reagan et, au fil des ans, nous nous sommes sincèrement intéressés à l’avenir de notre planète, toujours avec des avions, mais avec moins de plomb dans l’air. Quelle belle époque, quand les pilotes avaient le droit de s’occuper de leur avenir !
C’est pourquoi, du reste, nous sommes-nous sentis attristés devant l’invraisemblable gabegie qui a accompagné le développement du moteur SMA, un moteur diesel achevé, mais qui a mis 20 ans de trop à être développé, à l’avenir aujourd’hui incertain alors même que nous pouvons attester régulièrement de sa réussite en volant sur le C182 SMA d’Emmanuel Davidson. Tels sont les grands groupes, à la gestion bien étrange quand l’avancement dans la carrière prime sur tout le reste…
L’air me brûle forcément quand je me remémore Luc Pelon, l’un des premiers directeurs de SMA, me chuchoter à l’oreille en décembre dernier, d’une voix presqu’éteinte, à quelques semaines de son décès par suite d’un cancer foudroyant : « Quand tu le pourras, glisse un message aux X, aux Ponts et aux Énarques que tu connais, demande-leur d’écouter leurs techniciens plutôt que de les mépriser, généralement pour la seule raison qu’ils ne font pas partie de leur caste. C’est très important. »
L’air me brûle quand je me pose hier soir à Thouars, à l’occasion d’un petit meeting privé organisé autour des Fly’in Girls d’Alizée – une jeune pilote privée qui rêve de devenir pilote professionnelle –, accompagné de Maxime, 16 ans, le fils d’un voisin, un ado que je ne connais pas et dont je découvre les centres intérêts ainsi que je l’exprime à son père, plein de gratitude, de retour de vol par ce SMS : « Je ne pense pas que Maxime souhaite devenir pilote, il semble déjà bien renseigné sur le métier de steward, très accessible selon lui, je ne l’ai pas contrarié, d’autant que j’ai vu combien les subtilités du VFR à l’aller (SIV en manque de personne pour assurer l’antiabordage) et de l’IFR au retour (charger un départ, une route, une arrivée et une approche) le laissaient indifférent. Par contre, j’ai réalisé ce qu’était un adolescent connecté : je m’étais demandé pourquoi Maxime était préoccupé que son iPhone soit chargé « à bloc » avant notre départ, j’ai compris ensuite. Il n’a pas arrêté de filmer et de se filmer sous son meilleur jour. Très nouveau pour moi. » La génération Z, faut faire avec, m’a-t-on appris ce matin. Sans blague ?
L’air me brûle quand je découvre, en discutant hydraviation avec Derry Grégoire, que les marins d’eau douce ou salée, plutôt, du bassin d’Arcachon, bruyants, polluant l’eau avec leurs fluides perdus, dérangeant la faune avec leur hélice, remplissent leur réservoir avec de l’essence détaxée, comme tout le monde, à part nous autres, pilotes, condamnés à être vertueux sous peine d’être cloués au pilori.
L’air me brûle enfin je croise un Philippe Favarel, président du Cercle aéronautique du Parlement, totalement exaspéré après avoir vu une pub écolo jouant sur la peur des passagers en avion de ligne lors d’un passage en zone de turbulence, pour en déduire qu’ils on raison d’avoir peur, car l’avion est dangereux, il pollue et il détruit la planète : un raccourci plutôt saisissant, non ! « Ces écolos sont aveuglés par leur haine, la vérité est que les gens n’ont absolument pas peur de l’avion et, malgré les campagnes de pub visant à dénigrer l’avion au profit du train, jamais les aéroports n’ont été aussi pleins, jamais la demande n’a été aussi forte, jamais on ne s’est aperçu d’un tel manque en personnel aéroportuaire pour armer les avions ou les piloter. Alors pourquoi les laisse-t-on faire ? »
Bonne question.
Alors, malgré cet air estival brûlant, au propre comme au figuré, gardons le cap, n’arrêtons rien, continuons de voler, de participer, de nous battre pour nos droits, ne nous laissons pas briser nos rêves.
Piloter, c’est vraiment un rêve, se déplacer en est un autre, restons tous des porteurs de rêve, malgré tous les obstacles !
Jacques CALLIES