Après l’Union des aéroports français (UAF) en septembre, c’est au tour du Syndicat des compagnies aériennes autonomes (SCARA) de déposer une plainte auprès de la Commission européenne contre la loi française « Climat et résilience » et plus particulièrement l’article 145 de la loi n° 2021-1105. Il interdit, on le rappelle, les liaisons aériennes entre des villes à condition qu’il existe une liaison ferroviaire de moins de 2 h 30, les écologistes voulaient 4 heures et les socialistes 3 h 30. Son application est prévue pour 2022. Elle avait été adoptée en juillet par l’Assemblée nationale et en juin par le Sénat. Les organisations Airports Council International
(ACI), UAF et SCARA demandent l’abrogation de cette loi. Assez vite, les observateurs avaient décelé une faille dans ce dispositif. La loi française s’appuie sur un article du règlement européen qui permet ce type d’interdiction de vol (et donc une réduction importante à la liberté de circulation) si ces lignes aériennes portent une atteinte générale à l’environnement, mais durant un temps donné. C’est presque une mesure conjoncturelle. Or selon le SCARA estime que : «la mesure est exagérément restrictive au regard des problèmes qu’elle est censée résoudre et sa durée n’est pas limitée». Le syndicat fait également référence à un avis du Conseil d’État. Celui-ci relève « des insuffisances notables de l’étude d’impact en ce qui concerne certaines mesures du projet de loi. Dans le chapitre relatif au transport aérien, aucune analyse n’apparaît sur le caractère soutenable des mesures projetées dans le contexte de la crise sanitaire, dont l’impact est pourtant majeur pour ce secteur ». Autre argument majeur de la plainte : « aucune justification adéquate de la mesure n’a été soumise à la Commission et aux autres États membres ».
La haute juridiction est encore plus précise sur l’interdiction : « L’étude ne justifie pas la possibilité de s’appuyer sur le régime de dérogation temporaire au principe de liberté du trafic aérien intracommunautaire prévu par l’article 20 du règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté. Les conséquences économiques et concurrentielles de l’interdiction sont trop succinctement abordées ». Cet argumentaire rejoint en tout point le point de l’UAF qui estime l’article 145 juridiquement infondé. « On dévoie l’esprit de l’article 20 du règlement européen ; l’interdiction de liaison aérienne pour un motif d’atteinte à l’environnement ne concerne pas les gaz à effet de serre ayant un caractère plus permanent que les trois ans autorisés par l’interdiction de vol. Par ailleurs, il n’y a eu aucune étude d’impact sur les conséquences économiques de cette décision qui, pour la ligne Paris-Bordeaux », affirme Thomas Juin, le président de l’UAF. Cette ligne aérienne représente 560 000 passagers alors qu’elle en concerne, selon l’UAF, que 0,23 % des émissions de GES.
« Elle dessert le sud de Paris et c’est très différent d’arriver en plein Paris et d’en repartir compte tenu des conditions de circulation. De plus, il n’y a pas eu un réel report des passagers vers le train. De plus, il n’y a pas eu non plus d’étude sur les possibilités des déplacements des voyageurs en train à leur arrivée sur Paris. Il n’est pas nécessaire de légiférer sur le transport aérien. Les lignes aériennes inutiles disparaissent toujours au profit du train, inutile de l’imposer par la loi et sur cela accrédite l’idée que l’on pourrait se passer de l’avion à la faveur d’un simple vote. Ce règlement est contraire au principe de libre circulation. Si on veut avoir une action efficace sur le changement climatique, il faut des politiques publiques pour favoriser les carburants d’aviation durable », poursuit le dirigeant. Cette interdiction est une construction pour le moins curieuse au plan politique. Elle est un gage donné aux écologistes en contrepartie de l’aide apportée à Air France durant la pandémie. Mais elle se devait d’être généralisée pour éviter que les low cost ne se ruent sur ce marché. Il paraissait improbable que cet arrêté ne soit pas attaqué.