Ce mois-ci, nous éditons notre numéro 550. Un chiffre rond, cela frappe, c’est facile à retenir et, malgré moi, je n’ai pu m’empêcher de calculer que cela faisait quatre décennies et demie que nous volons en formation avec nos lecteurs.
C’est sans regret que je vois le temps s’enfuir car mes rapports avec vous ont toujours été sincères et passionnants. Ensemble, nous avons entretenu cette flamme éthérée qui donne la joie de vivre à tellement de gens, j’ai toujours communiqué mon téléphone à qui le demandait, et suis toujours prêt à plaider une cause ou à recommander la personne plus habile que moi pour le faire. On me dit souvent que je ne sais pas capituler sans avoir tout tenté. Et, bien sûr, quand cela intéresse la collectivité, à rendre compte dans le magazine car l’aviation générale requiert les audaces, voire la prise de risque. Nous avons bien été poursuivis en justice à quelques reprises, même si les plaignants ont été, à chaque fois, déboutés.
À mon âge, je croyais évidemment avoir tout vu, mais il a fallu que j’aille atterrir à Nantes, où l’avenir de l’Aéroclub de Loire-Atlantique est très incertain, pour comprendre que j’étais encore loin de bien connaître le genre humain. Et cela m’a donné un coup de fouet salutaire, un coup de jeune comme on voudrait en connaître plus souvent !
Alors que j’y accompagnai l’un de nos amis du Cercle Aéronautique du Parlement, envoyé en reconnaissance par un député ami pour y rencontrer le directeur de l’aéroport, avant que nous passions la soirée avec les responsables de l’aéroclub, j’ai appris que j’étais persona non grata. Nommé le 1er juillet à la tête de l’aéroport par VINCI, Cyril Girot ne tenait absolument pas à me rencontrer.
J’ai donc pris une vraie claque !
Dans ma longue carrière, avec ou sans rendez-vous, j’ai serré des centaines de main avec plaisir, certaines appartenant à des gens modestes, celles de capitaines de l’industrie, de l’Administration et du pouvoir. Une première étape indispensable lorsque plusieurs personnes veulent établir un contact sincère en vue de la résolution d’un problème. Ce contact initial débouche souvent vers une bonne table, parfois le tutoiement et souvent même l’amitié.
Cela m’a donc dérangé de ne pouvoir saluer Cyril Girot, comme si lui et moi étions en guerre, alors que nous ne nous étions jamais rencontrés. Je n’avais aucun préjugé sur le conflit qui l’opposait à l’Aéroclub de Loire-Atlantique, sauf ce que j’en avais lu sur Mediapart, lecture qui laisse présager que ce dernier pourrait bien ne pas fêter son centenaire en 2020 sur l’aéroport de Nantes.
Comme je patientais, installé au soleil couchant sur la terrasse de l’aéroclub dont le président m’avait confié les clefs, j’ai découvert sur Internet qu’il s’agissait d’un tout jeune homme : « C’est un peu Harry Potter, mais il n’a visiblement pas la magie ! » m’a dit Denis Torrès, un spécialiste méca-systèmes rencontré par hasard, auquel je racontais ce camouflet. Ce qui m’a donné à réfléchir : la magie, cela s’apprend, pas seulement à Poudlard. Donc, je garde espoir.
Du fait de ma fonction d’administrateur au sein du Groupement des Industriels et Professionnels de l’Aviation Générale (GIPAG), responsable de la Commission Aéroports – je ne dis jamais non, tout m’intéresse quand il s’agit de défendre notre aviation* –, j’ai écouté, lors d’un congrès tenu récemment chez Daher, des intervenants de qualité nous exposer brièvement les enjeux français et européens, les dangers, les menaces économiques, et donc les « guerres » que les politiques vont devoir mener.
Ce que je dois en rapporter ici, exprimé par Pierre-Yves Huerre, directeur de la MALGH, c’est qu’il nous faut absolument défendre certaines subtilités françaises qui échappent parfois à nos voisins car ils différencient les opérations aériennes, séparent l’aviation commerciale et de loisir, ce qui leur simplifie la vie, mais ne permet pas le développement de cette dernière. Chez nous, à l’exclusion de la classe A parisienne, l’aviation peut exister sous toutes ses formes sur tous les aérodromes français. Certes, c’est des plus complexe à harmoniser mais cela fait notre richesse, c’est sans doute ce qui nous a placé à l’un des tous premiers rangs de l’aéronautique, avec les avantages que cela implique.
Pierre-Yves Huerre a aussi rappelé ce qui pourrait passer pour un truisme, mais qui semble digne d’être médité : il faut d’abord écouter pour comprendre, ensuite se faire comprendre et enfin construire. Sinon, on n’arrive à rien.
Jacques CALLIES
* Dans le monde de la presse et de l’information, la règle est de déclarer toute situation qui pourrait remettre en question l’éthique. À ce titre, je dois signaler que j’ai signé, en septembre, un contrat d’attaché parlementaire auprès de Pierre Cabaré, député LaREM, qui copréside la Commission Aéronautique et Espace à l’Assemblée nationale. Ma récente retraite m’y autorisait, je me devais de le mentionner car ce geste pourrait être interprété de façon politique alors qu’il s’agit avant tout de servir et défendre l’aviation.