À l’heure où le confinement ne sied pas à tout le monde, les amoureux de la troisième dimension attendent, peut-être plus que tout le monde, l’occasion de remettre leurs fesses dans un avion. La sortie n’est, hélas, pas pour demain (rendez-vous le 11 mai…). Pour autant, la DGAC, en date du 27 mars, a assoupli l’interdiction de voler qui concernait au départ tous les pilotes et cela dès la mise en place du confinement. Tout le monde était alors cloué au sol.
En effet, quelques jours plus tôt, le décret n° 2020-293 du 23 mars établissait une nouvelle règle. Le texte désormais précise aujourd’hui que les déplacements à fin d’intérêt général peuvent désormais être autorisés sur demande de l’autorité administrative. Cette ouverture a été obtenue pour les clubs après que la Fédération française aéronautique (FFA) ait fait le forcing auprès de l’administration afin d’assouplir la règle d’un strict confinement. Officiellement, il s’agit de pouvoir, pour des opérations d’entretien des aéronefs d’aviation générale, procéder à deux types d’actions. La première consiste à faire tourner les moteurs durant une vingtaine de minutes afin d’éviter une éventuelle corrosion, voire d’assurer leur préservation hors stockage du moteur. Au-delà de cela, il est également autorisé pour un membre de club d’effectuer un déplacement vers un atelier d’entretien pour y apporter l’appareil. Il est même permis pour un pilote d’emporter un autre pilote pour aller récupérer la machine. Certes, il y a quelques contraintes : la désignation d’un pilote « référent » par le président du club, le dépôt d’un plan de vol et une notification à la FFA. Par ailleurs, cette tolérance est également applicable à tous les pilotes qui utilisent leur appareil pour des raisons professionnelles, en propre ou dans le cadre d’une entreprise. Dans la foulée, la FFPLUM, ne souhaitant pas être en reste, s’est promptement raccrochée au dispositif pour ses pilotes ULM.
Cette disposition a un grand mérite : elle permet de fluidifier l’entretien des appareils et d’alimenter également les ateliers de maintenance, tout au moins ceux qui entretiennent les avions de club. Françoise Horiot, la présidente du GIPAG se réjouit de cette disposition : « Au-delà du fonctionnement des moteurs, il y a des RG hélice qui peuvent être programmées facilement sans la pression de l’exploitation. De même, il y a des visites programmées. Il est donc intéressant de planifier des opérations de maintenance pendant que les ateliers sont en période creuse et avant qu’ils soient submergés par le rush quand les pilotes pourront revoler. » Jean-Luc Charron, le président de la FFA, justifie également pleinement cette mesure pour éviter que le système se casse la figure, que les ateliers disparaissent…
Et même si le président de la FNAM, Alain Basttisti, s’est associé à cette demande, il n’y a non pas un « mais », avec un grand « M », mais plusieurs. Le plus important est que cette autorisation discrimine nettement les pilotes privés qui, eux, doivent rester confinés et leur avion aussi. C’est profondément injuste. Le moteur du pilote privé est le même que celui du club, les buttées calendaires identiques. De plus, ce qui peut justifier cette discrimination est la notion « d’intérêt général ». Certains détracteurs se demandent si l’entretien d’avions de club relève réellement de l’intérêt général. Ils ont sans doute en tête une autre notion de l’intérêt général devant l’urgence sanitaire. À ce titre, l’usage de l’outil aérien pour transporter des soignants entre mieux dans ce champ sémantique. Les « pros » arrêté diront également que confiné dans son avion, un pilote en l’air ne contamine personne et c’est également le cas pour les privés. Concernant l’argument du soutien aux ateliers, pourquoi alors ne pas autoriser les privés à voler, ce qui serait un soutien encore plus massif aux mécanos…
Enfin, selon quelques experts, faire tourner un moteur 20 minutes au sol ne l’entretient pas du tout, au contraire, il a toutes les chances de le dégrader assez sérieusement (lire notre article sur le sujet. (https://www.aviation-pilote.com/2020/03/29/comment-preserver-nos-moteurs/). D’ailleurs, selon Françoise Horiot, également dirigeante de Troyes aviation, aucun constructeur ne préconise de faire tourner le moteur au sol. La meilleure solution est de le faire voler 20 minutes ou plus. Enfin, le confinement des pilotes est, parfois, tout à fait relatif. Dans certaines régions de France, les autorités locales sont moins exigeantes sur les vols et l’interdiction de voler. On sait que la DGAC est, par essence, attachée à l’esprit des clubs, l’émanation 3.0 de la fameuse aviation populaire. Mais avant d’être pilotes privés, les aviateurs ont été pour la plupart pilotes de clubs. Alors, pourquoi priver les privés ?