Chacun trouve ce qu’il veut dans un salon. Le Mondial de l’ULM de Blois n’échappe pas à cette règle. On y présente des ULM et des équipements, ce qui permet de découvrir les dernières tendances, innovations et technologies de l’année, et c’est un endroit de rencontres et de partage d’idées.
Un salon, c’est aussi un aérodrome, un espace souvent menacé, et c’est donc l’occasion de démontrer au béotien l’intérêt de maintenir en exploitation ce kilomètre de goudron qui peut, à condition qu’il veuille bien quitter des yeux son smartphone, lui faire vivre des aventures bien réelles.
Et c’est aussi Claire Lablée, une pilote de caractère – ce qui ne plaît pas forcément à tout le monde – qui vit à proximité, entre le parfum des roses trémières de son gîte et les vapeurs d’UL 91 de son ULM Tetras. Une femme avec un cœur énorme, semblable à celui d’Évelyne Gogneau, sa consœur de la DGAC.
Avec Claire, on parle généralement de sécurité aérienne, c’est son dada, elle a une connaissance approfondie du sujet après 20 années de VFR avion, de planeur et de voltige, et autant d’années, peut-être plus, dans tous les environnements professionnels imaginables, entre de la calibration missile sur Cessna C182 pour Thomson, du transport public sur Beech 200 pour UP, du Falcon 50 pour Dassault, la DGAC comme pilote inspecteur et, enfin, la ligne chez Airlinair. En somme, il ne lui a manqué qu’une aventure spatiale !
Je dis souvent que le facteur chance est primordial, particulièrement en aviation où tant de paramètres interviennent dans la réussite de la mission. Je sais que Claire partage mon point de vue, d’autant plus qu’elle se sait miraculée pour être sortie vivante du dysfonctionnement d’un aileron de son King Air, après s’être bien battue : « On était au niveau 250, bien tranquille en fin de croisière sur Cherbourg quand l’avion s’est incliné à gauche en piquant vers la mer. J’ai dit à mon CdB, ça, c’est une histoire d’ailerons, il a confirmé, et là, il est devenu blanc, tu ne peux pas imaginer, il était déjà mort… Moi, je lui ai dit qu’il fallait se battre, on a donc tiré comme des bêtes sur le manche, car on descendait à une vitesse folle malgré les torques à zéro, d’abord, on a réussi à redresser l’inclinaison et, finalement, sans plus bouger les ailerons, on a fini par redresser l’avion à 150 ft/mer, le cap sur Cherbourg. Incroyable ! J’ai sauté la plage, puis le bocage, je ne paniquais pas, j’étais dans l’action, j’ai aperçu un avion de Chalair qui arrivait et qui a dégagé quand j’ai demandé la priorité à l’atterrissage, j’ai sorti le train et on s’est posé sans volets et, dès que nous avons touché la piste, leur tringle est tombée sur la piste ! J’ai alors entendu applaudir, je me suis retournée : c’était nos passagers, je les avais oubliés, ceux-là. Ils étaient blancs… Tu ne peux pas t’imaginer, je me souviens de ça, de leur couleur blanche, tu vois, blanc, blanc ! »
Comment un tel événement a-t-il pu arriver alors que Claire avait signalé à l’atelier une anomalie au niveau de la position des ailerons lors d’une prévol précédente à ce vol, anomalie jugée non signifiante par un mécanicien, et donc non corrigée ?
Cette aventure et quelques autres font qu’elle se pose de bonnes questions sur la sécurité en aviation légère : vient-elle de la technologie, du confort de pilotage ou de la réglementation qui encadre cette activité ? Nullement, selon elle, la sécurité est plutôt une affaire de mentalité ! Et tant qu’on n’aura pas compris que la discipline personnelle, l’adaptation, l’expérience acquise et l’entraînement sont les vrais facteurs de sécurité, on aura recours aux palliatifs cités précédemment.
Autre principe que je partage avec Claire, le fait que le vol VFR est une forme d’artisanat. L’apprentissage y est long et nécessaire, et il se poursuit une fois le brevet obtenu : apprentissage au comportement ; entraînement aux principes fondamentaux du pilotage, entre vitesse, trajectoire et horizon naturel ; entraînement régulier et, bien sûr, encadrement par des pilotes expérimentés. Ce n’est que la pratique régulière qui crée l’automatisme, celui sur lequel on peut vraiment compter lorsque l’on doit passer en mode survie.
Naviguer en VFR, c’est connaître son trajet en l’ayant pratiqué plusieurs fois par des météos différentes, s’adapter à la géographie et aux imprévus. C’est travailler son vol après le vol, revoir ses erreurs et ses tracés ; ceci est aussi important que la préparation : « Dis-moi, Jacques, qui, actuellement, sait garder son cap avec un point au loin ? Qui sait cheminer ? Qui sait faire demi-tour à temps à l’aide du conservateur de cap, ou sans ? Qui se sert du cap et de la montre ? Qui utilise correctement sa carte ? Et qui sait évaluer un plafond, une visi sur une enfilade ? »
Même si le GPS et devenu un moyen de navigation primaire, les principes de base, tant répétés, restent le filet de sécurité ultime en cas de panne. Et si les principes de navigation sont assimilés, le pilote sera moins dépendant du GPS et plus libre de faire des synthèses pour décider.
Bien sûr, on peut voyager en VFR en sécurité, et la technologie, les GPS et les écrans modernes rendent l’aviation plus accessible. Mais nous devons rester des pilotes, capables de réagir correctement au moment opportun, sans assistance.
Ne nous décourageons pas, l’ULM a su tirer le gros avantage d’une aviation plus abordable en coût, où le pilote a sa place avec l’utilisation de plateformes privées très accueillantes, nombreuses et fiables.
Jacques CALLIES