FORMATION
Yves Brucker fait le point sur le parcours d’instructeur : sa formation, son évolution et la volonté de l’EASA de promouvoir cette profession face au manque de candidats et, parfois, de résultats quant au niveau des élèves formés.
Lors d’un forum des métiers de l’aéronautique, il me fut proposé d’exposer ce qu’était le métier d’instructeur, dans le but inavoué, sans doute, de susciter des vocations. Je m’y employais de mon mieux et, convaincu d’avoir levé des hordes de futurs FI, j’interrogeais à l’issue de la conférence quelques jeunes sympathiques futurs pilotes : « Alors », demandais-je, tout sourire, « que veux-tu faire plus tard ? » Et la réponse tombait, systématique, inexorable : « Pilote Air France. »
Pas n’importe où, non, non, c’était Air France ou rien. Savaient-ils qu’il existait à travers le vaste monde d’autres compagnies aériennes, pas aussi mondialement prestigieuses, bien sûr, mais dignes néanmoins de répondre à la demande de quelques passagers malchanceux ? Sans doute pas, mais, quoiqu’il en soit, nul n’envisageait de devenir pilote instructeur.
De mon point de vue, c’était étonnant. Je comprenais, bien sûr, que le métier de pilote en ligne soit perçu au travers d’une symbolique puissante. Difficile, en effet, à vingt ans, de résister à l’attrait de l’uniforme, des galons et d’un salaire confortable. Mais souhaite-t-on devenir pompier pour le casque et la voiture rouge qui fait « pin-pon » ? Allez savoir.
A contrario, l’image hexagonale de l’instructeur n’était pas véritablement sexy et pourtant, si j’ai à maintes reprises entendu des pilotes de ligne se plaindre, à juste titre, de leurs conditions de travail : horaires décalés, découchés, levés aux aurores, alimentation aléatoire, station assise longue, je n’ai jamais – et je pèse mes mots – en quelque quarante années d’instruction, rencontré un instructeur un peu expérimenté qui me fasse part de son regret d’avoir choisi cette voie.
Surprenant ! Voilà des gens le plus souvent humbles et discrets, peu enclins par manque de moyens à rouler dans des automobiles flamboyantes, qui se disent heureux et le prouvent, car parvenus à un âge canonique, ils ne renoncent à enseigner qu’une fois victime de leur inéluctable obsolescence programmée.
Incompréhensible ! Il doit y avoir quelque chose dans ce métier de formidablement attachant. […]