Ce dimanche 30 juin, à 16 h 07, à l’heure des premiers retours de week-end des Parisiens vers la capitale, j’ai reçu sur mon iPhone un SMS en provenance de Fabrice, mon garagiste préféré : « Bonjour. Crash autoroute A4, l’avion est tombé juste devant nous. Apparemment on dit sur BFM trois morts. Incroyable. » Une photo accompagnait le message, celle d’un Cessna 172 détruit, en plein terre-plein central de l’autoroute, coincé entre les rails de sécurité. Avec, en arrière-plan, un hélicoptère du SAMU.
Incroyable ? Non, tragique, plutôt.
Car les pilotes savent bien que les accidents surviennent de temps à autre, mais que, presque dans tous les cas, les erreurs de pilotage en sont la cause. Aussi gardons-nous tous, toujours, cette arrière-pensée enfouie dans un coin de notre cerveau, suffisamment pour ne pas nous effrayer et nous dissuader de voler, que l’aviation est une affaire vraiment sérieuse, et ce qui explique que les accidents aériens restent exceptionnels.
J’excuse, bien sûr, l’ami Fabrice qui, s’il s’intéresse aux avions et aux hélicoptères – il y est bien obligé car il a plusieurs pilotes dans sa clientèle –, n’entend parler que de choses positives.
C’est bien normal car, en bons prosélytes, nous privilégions les aspects romantiques de l’aviation, ce fameux art du pilotage, cette communion avec les éléments, la symphonie pastorale que jouent rien que pour nous le ciel, les nuages, le vent, la nuit, la lune et les étoiles, et le grésil et la neige qui se ruent vers les phares, et toutes ces merveilles de la terre, bien plus spectaculaires quand elles sont vues du ciel, et enfin cette sensation phénoménale lorsque pilote et avion ne forment plus qu’un tout.
Mais que représente tout cela dans cette discipline qu’est le pilotage des avions ? Presque rien, c’est juste la cerise sur un gâteau qui, soit dit en passant, semble bien trop indigeste à ceux qui échouent ou abandonnent leur formation.
En fait, le pilotage, c’est 90 % de travail, de sueur, des tas d’heures ingrates d’apprentissage au sol, la tête dans les manuels, puis des examens et des tests à réussir, des méthodes à acquérir, une discipline draconienne à respecter, des efforts intellectuels soutenus, des acquis à maintenir tout au long de sa vie de pilote puisque les contrôles se répéteront sans cesse…
Un vol en avion, qu’est-ce donc en réalité ? Une distraction, du plaisir, certainement, mais c’est surtout une tâche effectuée dans les règles de l’art, qu’on soit pilote privé ou professionnel, entre la préparation du vol et de l’avion, puis l’application d’un tas de do-lists et check-lists depuis l’envol jusqu’au retour sur terre. Et c’est aussi de cela, de la réussite de la « mission », que découle un incroyable sentiment de plénitude.
Aussi, ai-je été effaré, deux jours après l’accident, lorsque j’ai découvert sur le site de France Info l’interview, par un certain Marc Taubert, de la porte-parole de l’Association des Riverains de l’Aérodrome de Lognes-Émerainville (Arale) : « Au moindre problème, soit ils atterrissent sur l’autoroute, soit ils atterrissent sur une maison ! C’est un petit miracle que les voitures aient entendu l’explosion en hauteur et ont toutes freiné, qu’il n’y ait pas eu de morts supplémentaires. Cela aurait pu être dramatique vu la trajectoire de l’avion. S’il n’avait pas rencontré les lignes à haute tension derrière, c’était peut-être le centre commercial qu’il prenait un dimanche après-midi. Au moment de ce crash, il y avait 8 ou 9 avions en vol. Ils sont obligés de se déporter et cela peut créer des accidents. Cet aérodrome n’a pas vraiment place, là où il est aujourd’hui compte tenu de la dangerosité du circuit. Même les pilotes le disent : le circuit est très complexe et demande une technicité particulière. » Et de demander une restriction des mouvements, ce qui permettrait, outre une baisse des nuisances sonores, d’éviter la saturation aérienne.
Quel manque de pudeur, quelle honte ! Cette riveraine de l’aérodrome, qui souhaite rester anonyme alors qu’elle est connue comme le loup blanc du fait qu’elle inonde les réseaux sociaux de ses anathèmes contre les pilotes de Lognes, n’a vraiment peur de rien !
Quant à nos confrères de la presse dite grande, qui rapportent avec complaisance tout ce qui peut nuire à l’aviation, en bons khmers verts qu’ils sont, j’ai tout autant honte pour eux et je les invite à faire leur job, à essayer de comprendre ce qu’est l’aviation générale, tout son intérêt dans sa globalité et, pourquoi pas, ce qu’est un circuit d’aérodrome qui, partout où il y a des riverains, exige de respecter trajectoire, altitude et vitesse pour déranger le moins possible leur tranquillité…
Mais, au fait, ne l’avais-je pas proposé à une toute jeune journaliste stagiaire d’un quotidien de la PQR venue nous interviewer ? Bien sûr que si ! Elle avait accepté, du reste, avant de se rétracter, me citant avec candeur les propos de son rédacteur-en-chef : « C’est hors de question ! Notre rôle n’est pas de comprendre l’aviation, mais de la dénigrer car c’est ce qu’attendent nos lecteurs. »
Amis pilotes, vingt fois sur le métier remettons notre ouvrage ! Si nous ne convainquons pas nous-mêmes les Terriens qui lisent la presse nationale, qui le fera pour nous ?
Jacques CALLIES