Non, je n’ai pas fumé la moquette, je ne parle pas de la Fédération Française Aéronautique (FFA), cette vieille dame très digne, centenaire bientôt, et dont l’AG s’est tenue le mois dernier. Comme d’habitude, il n’y a eu aucun suspens, Emmanuel Davidson y était, c’est ce qu’il m’a raconté ou, du moins, c’est ce que j’ai compris puisqu’il s’est envolé avant la fin des festivités.
En résumé, le président Charron, qui était au cœur du système fédéral depuis bientôt 20 ans, a simplement cédé son siège à son collaborateur Kevin Dupuch, lui-même dans la place depuis 15 ans, plébiscité comme unique candidat avec le rituel score supérieur à 97 % des voix, qu’on a l’habitude de qualifier d’exceptionnellement élevé sous les ors des palais, républicains ou pas. Bravo donc au nouvel élu, instructeur et pilote chez Air France, lui-même issu de la filière aéroclub, dont nous apprécions le slogan « Nous pouvons discuter de tout, sauf de notre existence ».
En fait, je parle de la Fédération Française de Vol en Planeur (FFVP), que vous avez peut-être, comme moi, du mal à nommer autrement que Fédération Française de Vol à Voile, ce terme poétique plein de promesses, qui raconte en deux mots la masse d’air et ses ascendances qui permettent de réaliser le rêve de l’homme. Mais il en a été décidé autrement il y a quelques années, parler de planeur était plus compréhensible, et donc plus vendeur…
Et voilà que notre ami et collaborateur Milos Krivokapic, plutôt enthousiaste, me prévient : « Il y a eu du rififi à la fédé ! Martin Leÿs, un type qui m’a aidé quand j’ai commencé à pratiquer le vol à voile à Chérence, a remporté la présidence de la FFVP ! » Bizarre… Se serait-il enfin passé quelque chose d’inattendu au sein d’une fédération ?
J’ai cherché d’abord les scores effectués par les deux listes en présence, « Dynamique 2028 », celle de Martin Leÿs et « Ensemble pour agir » menée par Jean-Pierre Gauthereau. 76 % contre 24 %, il n’y avait pas photo, c’était certes moins bien que Vladimir Poutine et ses 87 %, mais le contexte était différent, il y avait eu une vraie concurrence entre les deux listes, ai-je appris, les téléphones portables avaient chauffé à blanc entre candidats et aéroclubs pendant des mois…
Hélas pour lui, Jean-Pierre Gauthereau, le candidat fédéral qui se pensait le plus légitime parce qu’il connaissait depuis 20 ans les rouages de la fédé en tant qu’administrateur, et comme secrétaire général depuis 15 ans, a échoué sans conteste.
J’ai donc appelé Martin Leÿs pour qu’il me raconte son combat et sa victoire. Bien qu’il soit toujours en activité au poste de directeur de l’Action Régionale EDF Nouvelle Aquitaine, il a pris le temps de m’expliquer dans les détails sa vie de passionné, ses espoirs déçus, et, enfin, ce combat fédéral.
Celui-ci était effectivement loin d’être gagné, même si Martin était le dauphin désigné par Jean-Émile Rouaux, président sortant, car « Jean-Pierre, le secrétaire général historique de la FFVP, a refusé la main que je lui tendais, cette idée de composer avec moi une liste d’union sacrée où il serait premier vice-président. Simplement parce qu’il pensait que c’était à son tour de devenir président. Hélas pour lui, ce fut le combat de trop ! »
Selon Martin Leÿs, le plus difficile a été de constituer une liste de 28 candidats avec la parité entre hommes et femmes alors que ces dernières ne constituent que 10 % des licenciés de la FFVP. Il y est cependant arrivé, elles sont, bien sûr, pilotes planeur, avec des palmarès sportifs enviables pour certaines et des compétences comme ingénieures, médecins, directrice RH, PNC, PNT, enseignante, chaudronnière ou encore architecte.
Et, tout aussi important selon lui, une liste « jeune », avec une moyenne d’âge de 48 ans. Le reste n’était qu’une affaire de projets et de méthodes de communication, art dont Martin a fait son métier.
Question qui m’a toujours intrigué : pourquoi consacrer autant de temps à faire du planeur ? « Pour un jeune qui souhaite faire un métier d’une passion, cela lui permettra plus tard de trouver les bons mots devant un jury. Pour les autres, le planeur, cela donne un sens de l’air à nul autre pareil. Comme tu n’as pas de moteur, tu es contraint à piloter finement, tu utilises tes neurones au lieu de la manette des gaz, le vol devient alors magique. En club, tu vis en équipe, autour de machines somptueuses, mais c’est toi qui vas chercher le copain dans son champ. Tu as l’esprit barbecue, mais c’est toi qui te balades des heures durant, au-dessus des Pyrénées, accompagné par les vautours. … Globalement, les valeurs de cette discipline sportive y sont bien plus fortes qu’ailleurs. Tu sais, je suis aussi instructeur avion, eh bien, j’ai trop souvent l’impression d’être un dentiste, l’élève arrive 10 minutes avant son vol et il est toujours pressé de repartir, ce qui n’est jamais le cas en vol à voile. »
Incontournable, le planeur ? Peut-être. En tous cas, c’est le choix fait par l’armée de l’Air et de l’Espace, ainsi que par Air France pour débuter la formation de ses cadets. Peut-être parce que l’heure de vol en planeur est moins chère, mais, surtout, parce que cela les rend excellents.