Fin janvier, les agriculteurs sont sortis de leurs champs avec leurs tracteurs, nous avons vécu l’enfer sur la route et nous nous sommes inquiétés sérieusement du fait de la mise en péril de nos activités, comme la distribution prochaine de la revue vers les kiosques, ou la tenue de notre 32e Salon des formations et métiers aéronautiques (SFMA), programmée dix jours après au musée de l’Air et de l’Espace du Bourget… Des mois d’efforts pour rien ? Certes, nous avions déjà connu des événements dramatiques, propres à saper le moral de nos visiteurs, comme des guerres, des crises économiques, des grèves des transports en commun, et même une pandémie, et nous nous en étions sortis sans casse, mais un blocus annoncé de Paris, c’était un événement nouveau et difficilement parable.
Et, miracle, l’appropriation par 80 % des Français de cette énième jacquerie a incité le gouvernement à réagir positivement et rapidement, notre salon SFMA a ainsi pu se tenir dans de bonnes conditions de circulation routière et atteindre le succès escompté, totalisant plus de 15 000 jeunes visiteurs sur le week-end.
Entre parenthèses, cela nous a permis de vérifier que l’envie de piloter est toujours bien ancrée, de même que celle d’embrasser l’une des mille et une carrières que propose l’industrie aéronautique et aéroportuaire. Pour nous autres qui avons consacré notre vie à l’aviation et à ses combats, c’est réconfortant de comprendre que les discours de ces dernières années, partiaux et même empreints de contre-vérités, n’ont pas convaincu les jeunes qui acceptent l’idée que le transport aérien pollue, mais qu’il est vertueux en ce sens qu’il n’est qu’un contributeur modéré aux émissions polluantes (2 % des émissions mondiales de CO2 et seulement 14 % de la filière transport) qui a pris des engagements en 2008, lors du Grenelle de l’Environnement, pour réduire de 20 % ses émissions de CO2, et les tient.
Fermons la parenthèse et demandons-nous si nous pourrions tirer un enseignement de ce coup d’éclat rural pour résoudre les problèmes auxquels les professionnels qui sont réunis au sein du GIPAG, par exemple, et vos représentants, à travers l’AOPA et la FFA, doivent faire face en permanence et dont nous vous rebattons les oreilles depuis tant et tant d’années ? Évidemment non, nous sommes bien trop scrupuleux pour cela, nous avons trop le sens des responsabilités et de l’intérêt général pour prendre en otage nos compatriotes. Sans cela, nous ne serions certainement pas pilotes.
Bien sûr, nous avons imaginé de temps à autre quelques actions spectaculaires, sidérés parfois par le manque de considération de notre administration de tutelle, qu’elle soit à Paris, à Cologne ou à Bruxelles, de manière à nous faire enfin entendre.
Pendant mon mandat d’administrateur du GIPAG où le sentiment de ras-le-bol dominait régulièrement nos conseils d’administration, j’ai assisté à l’évocation de deux « possibles » coups d’éclats par une personnalité attachante de notre syndicat, à l’heure de la pause-café, histoire de tester nos réactions : le premier était la saturation de la fréquence Approche de la tour de Nice ; quant au second, exprimé peut-être dix ans plus tard – ce qui dit tout de la capacité de résilience des professionnels de l’aérien –, il s’agissait d’un posé de quelques avions légers au matin, à la reprise de l’activité de Charles-de-Gaulle, avec un blocage des taxiways. Bien évidemment, les risques que ces actions auraient fait courir à la sécurité aérienne, sans compter les pertes de licences et, qui sait, le rétablissement de la peine de mort, n’en valaient pas la peine.
Jugez-en : la fois où j’ai suggéré à notre présidente, Françoise Horiot, de se rendre à Cologne rencontrer le directeur de l’EASA vêtue d’un gilet jaune – cette couleur était alors à la mode –, cette dernière a été boycottée pendant pas loin d’un an par cette institution. Mieux valait continuer de mourir à petit feu…
Car c’est bien le cas. Des promesses de changement sont faites, mais ce ne sont rien que des promesses, encore et toujours des promesses. Comme disait Jacques Chirac, elles n’engagent que ceux qui les reçoivent. Les réglementations n’évolueront que lorsque la mentalité des fonctionnaires qui les ont édictées aura changé ; ce qui est difficilement imaginable tellement l’être humain a du mal à se remettre en cause.
Mais, peut-être auriez-vous une bonne idée à nous soumettre ?
Jacques CALLIES