En cette fin d’année, l’accident du Twin Comanche de Jean-Pierre Trimaille, le fondateur et chef-pilote éponyme de l’école de Toussus-le-Noble, n’a laissé personne insensible. Et particulièrement le Terrien ordinaire du fait du sujet qui réveille les émotions et les peurs. On a donc parlé d’aviation dans les chaumières, pas tant des risques que du talent du pilote. Et nous avons tous été interrogés par nos voisins sur le pourquoi du comment de ce miracle de Noël…
Nous avons unanimement salué la performance de Jean-Pierre. Mais, plutôt que de miracle, nous avons pensé chance, l’une des inconnues qui composent l’équation à résoudre quand on entreprend un vol. Et nous avons été admiratifs devant ce sang-froid exceptionnel, résultat de 40 années passées à enseigner, et aussi de sa détermination à piloter une trajectoire jusqu’au touché. Faisant fi de l’adage bien connu des pilotes de monomoteurs qui volent la nuit : « en cas de panne moteur, à partir de 300 ft sol, j’éteins mes phares si ce que j’aperçois ne me plaît pas… »
Jean-Pierre Trimaille a démontré qu’il ne faut pas tenter la manœuvre désespérée, mais s’appliquer à rester dans le domaine de vol de l’avion, le piloter jusqu’au sol. Nous n’avons pas été étonnés, déjà un instructeur avec élève nous en avait fait la démonstration à Lognes, il y a une quinzaine d’années, après un arrêt moteur lors d’un circuit de piste basse hauteur. Passant par le travers tour et survolant le boulevard qui longe l’aérodrome, il avait visé un petit rectangle d’herbe et de goudron réservé aux modèles réduits. Mais, étant bien bas, il avait heurté de l’aile gauche l’un des lampadaires à l’entrée de l’aérodrome et s’était retrouvé au sol, la volte effectuée ayant pratiquement absorbé toute l’énergie cinétique développée par l’appareil. Choqué, mais indemne, l’équipage avait pu évacuer l’épave par ses propres moyens.
Il ne reste plus au BEA qu’à résoudre l’intrigue qui passionne ceux qui volent sur bimoteur : comment un tel appareil, réservoirs pleins, a-t-il pu perdre ses deux moteurs à quelques minutes d’intervalle ? Même si nous avons revendu le nôtre il y a plus de 15 ans, nous voilà inquiets car ce second moteur, si encombrant, si lourd et si coûteux, n’apporte pas grand-chose en matière de vitesse par rapport à un monomoteur performant : son grand intérêt, vraiment, est de permettre à l’avion de rester en l’air en cas de casse. En résumé, le prix de la sécurité.
Mais l’essentiel n’est pas là, hélas. En ce début d’année 2024, de nombreux dossiers sont sur la table et méritent toute notre attention comme le partage de l’espace aérien avec les drones qui devient une préoccupation majeure, les règles adoptées pendant 2023 étant réellement partiales, uniquement favorables aux drones.
Du côté de l’information aéronautique, la réforme du système de NOTAM et SUPAIP est nécessaire, la quantité d’infos devenant tellement importante qu’elle empêche les pilotes de préparer sereinement les vols les plus simples. De plus, il serait temps que les services de l’état soient capables de fournir un fichier électronique dynamique destiné aux développeurs d’applications de préparation des vols et de suivi de navigation.
Un autre chantier est en cours : la réforme des services facturables aux pilotes par les aérodromes. Jusqu’à maintenant, aucune consultation des associations représentatives des pilotes n’a existé. Ce dossier est une des priorités de 2024 pour l’AOPA et la FFA, car les premiers textes publiés ne sont que le fruit des demandes des aéroports français.
Du côté des visites médicales, il serait temps de dépoussiérer celles de Classe 2, ces dernières ne faisant aucun cas des progrès médicaux et du traitement d’affections autrefois rédhibitoires pour l’obtention d’un certificat.
Les pilotes ULM apprécieraient aussi un effort d’harmonisation des règles les concernant pour leur éviter de se voir refuser l’accès à certains pays européens, sans toutefois changer l’esprit des règles et la légèreté de la réglementation.
Et n’oublions pas que nous nous rapprochons de plus en plus de 2030, la date à laquelle l’AVGAS ne sera plus qu’un souvenir, il devient donc urgent de faciliter la certification des carburants déjà autorisés aux USA et capables de remplacer l’AVGAS dès à présent.
Des défis nous attendent, passionnants pour les pilotes et les acteurs de l’aviation générale, une communauté capable de s’adapter aux changements, capable d’anticiper et de s’ajuster face aux évolutions du monde, capable de faire face à tous les défis comme vient de nous le démontrer Jean-Pierre.
L’aviation générale a toujours été une activité unique et enrichissante, nous comptons donc sur notre Administration pour faire en sorte de la renforcer dans le contexte actuel qui ouvre de nouvelles perspectives passionnantes.
Heureuse année et excellents vols à tous !
Jacques CALLIES