Le lendemain, c’était le grand départ pour le Groenland. Nous étions beaucoup plus tendus que d’habitude. La météo nous semblait incertaine, mais on voulait y croire… Après avoir décollé, nous volions à sept cents pieds dans des conditions difficiles de vent et de turbulences. Au bout d’une heure, nous avons reçu sur le téléphone satellite l’information de « freezing fog » au Groenland. La décision était douloureuse, mais nous avons bien sûr fait demi-tour… Silence de mort dans l’avion… Une journée de tristesse au sol. Nous nous sommes dit que notre pari était perdu. Il nous restait une dernière chance le lendemain, qu’on ne prendrait que si cela nous semblait raisonnable. Nouveau départ le matin, après que l’aéroport nous a fait cadeau de toutes les taxes d’atterrissage et de stationnement de cette journée supplémentaire. Encore une belle preuve de cette gentillesse dont tout le monde nous a entourés… À nouveau, les deux premières heures ont été réellement difficiles du fait de la météo, mais, après avoir quitté complètement les côtes d’Islande, les nuages ont disparu et nous avons fait ce vol extraordinaire, probablement le plus beau de notre vie. Au bout de trois heures, nous avons vu nos premiers icebergs qui dérivaient de la calotte polaire, puis, une heure plus tard, ceux qui provenaient de la banquise du Groenland. Nous avons vu une baleine qui plongeait entre les icebergs. Ceux-ci peuplaient la mer par milliers, à perte de vue, en un spectacle indescriptible pour nous, les deux Parisiens qui se regardaient, éberlués par une telle beauté de la nature.
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