Voilà bien longtemps que je partage avec vous, sans rien vous cacher, ma vie de pilote. Enfin, presque tout, car certaines expériences improbables vécues au cours de mes tribulations pourraient être jugées politiquement ou sécuritairement incorrectes. Mais, ce dont je suis sûr, c’est que mes histoires sont toujours faites de rencontres avec de belles personnes qui partagent leur passion de l’aérien, leur savoir et leur expérience. Avec simplicité et la volonté de montrer à l’autre que le rêve est toujours réalisable.
Je vais donc vous emmener ce mois-ci vers Avignon, où Alexandra Zainal avait organisé une fête fin septembre à l’occasion de l’inauguration de son Cirrus Training Center (CTC), un événement réussi, toutes les personnes comptant chez Cirrus Aircraft étant présentes, il ne manquait, disons, que les frères Klapmeier.
En 30 ans, je n’ai le souvenir d’avoir croisé Alexandra que deux fois. Et, pourtant, à Avignon ce soir-là, j’ai eu le sentiment qu’elle n’avait pas pris une ride, que nous ne nous étions jamais quittés car nous parlions encore et toujours le même langage, celui du goût des autres, du nécessaire partage de l’expérience acquise.
Cette personne surdouée, inassouvie, touche-à-tout géniale entre son métier de contrôleuse aérienne et son rôle d’instructrice testeuse – sans compter un essai presque transformé de devenir astronaute – n’a reculé devant aucun effort lorsqu’elle a découvert l’IR américain en 1999 et décidé de l’importer en France, jugeant que le vol aux instruments était un « must » pour la sécurité des pilotes privés. Et elle n’a pas hésité à appliquer des méthodes de formation efficaces à travers son école de pilotage Orbifly.
Depuis, entre ses centres de formation de Rouen, du Touquet et de Cannes, Alexandra et son équipe ont formé des centaines de pilotes privés. Aussi, pour cette dernière, devenir Cirrus Training Center était une évidence : « La sécurité n’est pas une question de parachute balistique. Par contre, des formations standardisées, un e-learning bien pensé et du bon sens, c’est un écosystème que le constructeur américain appelle « Cirrus life », et c’est le même que celui des Orbiflyers ! » Bien former les acheteurs de la marque, en plus aux frais du constructeur américain, c’est une idée à la fois généreuse et sécuritaire, accompagner globalement les jeunes pilotes IR dans une phase de mûrissement nécessaire, cela leur permet aussi de progresser entre l’acquisition de connaissances complémentaires, l’apprentissage de la répartition des charges de travail et la confiance mutuelle, le partage des responsabilités, la gestion des urgences, la découverte du travail en équipage, des compétences utiles dans n’importe quel environnement exigeant.
Coïncidence, ma seconde rencontre du mois, cette fois perdu au milieu de centaines d’invités, a été avec l’astronaute français de l’ESA, Thomas Pesquet, devenu le chouchou des Français en raison de ses missions intelligemment médiatisées. C’était à l’occasion de la soirée de gala d’Aviation Sans Frontières (ASF), gala de charité devenu itinérant car, après l’hôtel trois étoiles Bristol, puis la cantine de l’UNESCO, c’est le Grand Rex qui avait été choisi cette année par Gérard Fledzer, son inoxydable président. Espérons que le prochain gala ne se tiendra pas sur la lune où Thomas Pesquet compte bien aller, lui !
L’intervention de ce dernier a été intéressante à plus d’un titre. Déjà, parce que c’est un pilote avion et donc un défenseur de premier ordre de notre cause : « L’avion, c’est un rêve, c’est une formidable innovation, on en a toujours besoin, c’est l’abolition des frontières, à la fois terrestres et entre les humains. » Ensuite, parce que le temps qu’il a passé dans l’espace lors de son second vol, d’une durée de six mois, lui a permis d’appréhender notre planète comme un véritable tout, un espace sans frontière que chaque habitant se doit de protéger par tous les moyens possibles, ce qui signifie des efforts globaux. Il a hélas fait un constat sans appel sur la pollution des villes, la déforestation, la dégradation de l’environnement bien visible entre ses missions de 2016 et 2021. Mais en gardant ses nerfs, sans défaitisme, plutôt le désir de nous inciter tous à protéger la planète bleue du mieux de nos possibilités : « Vu de l’espace, que le monde est beau ! Mais l’humanité est comme un orchestre qui ne fait qu’un et, pourtant, chaque musicien porte ses joies et ses peines. » Et enfin, il a émis le souhait de partager à nouveau une expérience sur le terrain, à la fois comme pilote auprès d’ASF et des populations dans la détresse.
Entre ces deux personnalités bien différentes, Alexandra et Thomas, j’ai vu un trait d’union évident, pas celui de l’espace sidéral qui est plutôt ténu et anecdotique, mais un sincère goût des autres, une formidable envie de partager la connaissance. Une fois de plus, ce qui nous permet de garder espoir en l’Homme malgré tout.
Jacques CALLIES