C’est l’été, il fait beau, les pilotes voyagent, cela me semble le bon moment pour vous dire que les NOTAM, les « Notice to Airmen », méritent un peu de votre attention. N’y voyez là ni une blague ni un truisme, et j’aimerais simplement débuter ma réflexion par une histoire.
Un jour de juin, lors d’un week-end prolongé, nous avions fait le pari de voler à deux avions non-stop jusqu’au Svalbard, l’archipel aux 2 000 ours blancs. Pari réussi. Le lundi matin, il nous fallait bien repartir, nous avions rédigé, assis par terre, dans l’inconfort d’un hangar, nos plans de vol à destination de Bardufoss, un aérodrome où nous savions pouvoir ravitailler en 100LL, mais qui nécessitait une autorisation d’atterrissage préalable car il était contrôlé par l’armée norvégienne à l’époque. Attente, suspens… Aussi, une fois l’autorisation accordée et les dossiers de vol réceptionnés, nous avons décollé dans l’urgence, en ne jetant qu’un simple coup d’œil aux 30 pages de nos dossiers de vol.
Vous pouvez donc imaginer ma surprise lorsque, autorisé à une approche ILS-DME avec guidage radar, comme le collègue qui me précédait, mes indications de plan et de distance ont disparu au moment où nous nous apprêtions à plonger entre de hautes montagnes masquées par une couche soudée. On s’est débrouillé autrement, bien sûr, mais, une fois au parking, j’ai appris par un NOTAM, bien caché parmi une centaine d’autres, que les émetteurs ILS et le DME de Bardufoss étaient « en entretien et inutilisables ». Morale de l’histoire : les NOTAM sont utiles. Et pas uniquement aux pilotes…
Ainsi, grâce à un NOTAM singulier, j’ai découvert la semaine dernière, juste avant de décoller, que Périgueux-Bassillac était « réservé aux avions basés ». Faute d’avoir pu joindre Carole à la tour pour négocier – qui ne tente rien n’a rien –, j’ai au moins appris auprès de l’aéroclub que la raison en était les 800 mètres de piste restants – sur 1 750 m – par suite d’une réfection imparfaite du revêtement.
Autre NOTAM surprenant, il s’agit de celui de Muret Lherm qui, depuis un an, stipule que l’AD est « réservé aux usagers basés », un NOTAM lié à l’absence de NOTAM – sans rire –, republié tous les trois mois par la DSAC Sud.
Rappelons que le NOTAM, inventé en 1920 et dont la forme n’a pas évolué depuis 1924, s’accompagne de dizaines, voire de centaines d’autres NOTAM selon la nature de votre vol. Pour une simple navigation en France, il n’est pas rare d’en recevoir plus de 50, ce qui permet à certains de se cacher efficacement, de se rendre invisibles aux pilotes. Dès lors, trop de NOTAM tue le NOTAM !
Un petit film satirique sur le sujet est visible sur Internet, intitulé « NOTAM : The Majestic, Endangered Species on the Verge of Collapse* ». En gros, voici ce qu’il raconte : pendant un siècle, une créature sauvage a erré dans les cieux sans être gênée, inaltérée et incontestée. Cette magnifique espèce est connue sous le nom de NOTAM et son objectif de vie est de fournir aux pilotes des informations de sécurité essentielles en temps réel. Le NOTAM a prospéré dans notre écosystème aéronautique, épargné par les avancées technologiques qui ont coûté la vie à d’autres formes primitives de communication telles que le code morse, le télégraphe et le LORAN C, mais l’effondrement récent de l’écosystème de ces créatures est un grave rappel de son habitat fragile. Sur un vol donné, un aviateur peut rencontrer des centaines de NOTAM et ainsi l’identification et la classification deviennent d’une importance paranoïde :
– « The Crane NOTAM ». Généralement loin des pistes, ces obstacles sont impossibles à repérer sur une carte à partir de leurs seules coordonnées ;
– « The Bird NOTAM ». Ils sont nombreux à être signalés, mais que faire quand un oiseau vole sur votre trajectoire ?
– « The Tiny NOTAM ». Toujours par dizaines et généralement sans importance, ils signalent que des points sont devenus des virgules et que 1 732 ft est en fait 1 733 ft ;
– « The Killer NOTAM ». C’est le plus dangereux, il se cache tout en bas d’une série de pages interminables, tapis dans un buisson de codes impossibles à comprendre, comme celui qui a entraîné la destruction en vol du Malaysia MH17, un destin tragique pour 298 personnes. Notez que 160 autres avions de ligne n’en avaient pas compris la gravité non plus et qu’ils avaient, eux aussi, survolé la même zone interdite…
En résumé, si le NOTAM ne peut disparaître, sa forme archaïque en fait réellement une menace pour nos licences de pilote et parfois même pour nos vies comme l’affaire du MH17 le rappelle : il va forcément devoir évoluer, à la fois dans la forme et le fond.
Jacques CALLIES