Après l’annulation du SIAE 2021, tous attendaient avec impatience le retour de l’un des salons aéronautiques parmi les plus importants au monde. C’est lors de ces grands shows qu’Airbus et Boeing s’affrontent à coup de communiqués de presse, d’annonces de contrats mirifiques, mais aussi en vol, chacun ayant à cœur de prouver de quoi leurs avions sont capables. Il en est de même pour tous, évidemment.
Mais le Salon du Bourget, le Paris Airshow, est aussi l’occasion de retrouvailles pour l’ensemble de la profession et de mesurer vers quelle direction se dirige l’industrie et comment elle résiste aux soubresauts de l’économie internationale.
Cette édition 2023 restera dans les annales. Les avionneurs, les motoristes, les fabricants d’aérostructures, les ingénieurs de toutes spécialités s’accordent sur un point : « L’aviation ne connaîtra pas de décroissance ! » Cela n’a rien à voir avec la fameuse méthode Coué, simplement, chacun prend sa part de responsabilité dans les changements profonds qui sont nécessaires, non pas à la survie de l’aviation, mais bel et bien à sa croissance.
Si les mots « décarbonation » et « aviation verte » sont encore bien présents, ils s’appliquent maintenant à des projets en cours, à des recherches tangibles et non plus à des concepts futuristes et plutôt fumeux. Il ne s’agit plus d’imaginer le plus gros porteur au monde, mais, par exemple, de sauver l’aviation régionale en lui permettant de reprendre les airs le plus rapidement possible grâce aux résultats des avancées technologiques en cours, car un avion régional fonctionnant à l’hydrogène aura un bilan carbone bien plus favorable que celui d’un TGV.
Ce qui est extraordinaire à observer chez tous, c’est cette volonté farouche de progresser le plus rapidement possible vers une aviation qui sera aimée et utilisée par tous, même les écolos les plus radicaux. Les projets ne manquent pas, depuis ceux présentés par de jeunes sociétés comme Elixir qui s’emploie à démontrer que notre aviation générale vit un moment charnière, jusqu’à ceux présentés par les grands avionneurs, comme ATR qui compte bien faire voler ses appareils à l’hydrogène le plus rapidement possible.
C’est un changement radical dans l’état d’esprit des inventeurs, tous veulent atteindre le même but. Dès lors, nous ne pouvons plus douter de leur réussite à moyen terme. D’autant plus que cet engagement à imaginer une aviation propre est désormais soutenu par des gouvernements qui ont compris, partout dans le monde, que la croissance nationale était dépendante d’une aviation en bonne santé. Du coup, les encouragements, les financements participatifs, les subventions pleuvent.
Et ce n’est pas tout, l’esprit de famille règne partout, on annonce des rapprochements entre des sociétés qui paraissaient jusqu’à maintenant bien éloignées, des fiançailles sur un projet où chacun amènera les petites briques de la technologie qu’il maîtrise mieux que son concurrent d’autrefois.
Bien sûr, tout le monde ne détient pas forcément toutes les solutions technologiques, certaines doivent encore être inventées, perfectionnées. Mais il est clair que l’industrie, dans son ensemble, veut relever collectivement le challenge. Et que nul n’imagine la défaite.
Nous voilà à nouveau comme au temps des faucheurs de marguerites au tout début de l’aviation, lorsque tout était à faire, car presque tout reste effectivement à faire, mais tous travaillent à un résultat commun, à une aviation propre, utilisée et admirée par tous, comme avant.
J’ai pu constater ce changement de paradigme lors de la soirée Aerospace Media Awards organisée à l’ouverture du Paris Air Show qui consistait à remettre un prix, lors d’un dîner de gala organisé dans les salons de l’Aéro-Club de France, à une douzaine de journalistes parmi 300 invités ayant marqué l’année aéronautique 2022 par la pertinence de leur travail. Tous ceux présents sont désormais convaincus que l’aviation décarbonée n’est plus un effet de manche en attendant que le soufflé de la colère écologique ne retombe, mais une réalité tangible. Et ceux qui étaient prompts à souligner l’inanité de certains projets sont maintenant persuadés que nous allons y arriver.
Lors de cette soirée prestigieuse, où l’on récompense les meilleures plumes des médias les plus reconnus dans la profession, nous avons eu l’immense joie de voir Jacques Callies appelé sur scène pour recevoir un « Lifetime Achievement Award » pour l’ensemble de sa carrière journalistique, mais aussi pour son engagement dans la défense de l’aviation. Comme quoi, un « bloody Frenchman » a enfin fini par marquer ses confrères américains, océaniens et européens.
Mais gageons que ce prix ne laissera pas présager de son avenir, je sais que Jacques ne tirera pas sa révérence de sitôt, et que ce n’était donc pas son chant du cygne !
Emmanuel DAVIDSON