Pour sa première conférence de presse de l’année, les dirigeants du syndicat des compagnies aériennes autonomes (SCARA), Jean-François Dominiak en tête, ont rappelé quelques vérités qui ne parviennent pas jusqu’aux oreilles du grand public, notamment pas à la sphère écologiste qui sait, elle, parfaitement prendre la parole pour stigmatiser le transport aérien. Jean-François Dominiak est formel : « Les émissions nettes de compensation de CO2 de l’avion sur les vols intérieurs en France ont été les mêmes que celles du train en 2022 et ne représenteront que 50 % de celles du train en 2023 pour devenir nulles en 2024 ». Il a pu notamment expliquer également que les bilans « carbone », exigés pour tous les transports, excluaient toutes les émissions de CO2 qui étaient liées aux infrastructures : construction, entretien, etc. Cette disposition influe nettement, à la baisse, le bilan carbone de la SNCF, par exemple.
Il a surtout rappelé que le transport aérien était le secteur des transports le plus mobilisé en faveur de la transition énergétique alors que sa contribution restait modeste, voire très modeste, en regard du volume des émissions du transport routier. C’est le seul secteur qui a posé des engagements formels de décarbonation à une échéance de 2050. Aucune autre industrie n’a cette vision à long terme appuyé par un déploiement de moyens fléchés vers la recherche, grâce à l’État et le GIFAS qui accompagne le mouvement. Cette démarche du transport aérien est d’autant plus volontariste que la demande de transport devrait reprendre un rythme soutenu à partir de 2026.
Le transport aérien dispose, selon Jean-François Dominiak, de moyens pour réduire son empreinte environnementale : c’est la compensation, une démarche assez simple à mettre en pratique et qui s’affranchit d’une logistique de recherche lourde et sophistiquée. Cela prend la forme de reforestation de pratiques agricoles réduisant les émissions ou favorisant la captation du CO2. Le Scara attend que cette forme de compensation soit réellement prise en compte comme une vraie démarche écologique. Ses dirigeants demandent, dans cette logique, une exonération de toutes les taxes écologistes qui deviennent inutiles, voire discriminantes, si les vols sont neutres grâce à cette compensation. On sait que les écologistes n’approuvent pas le raisonnement. Accepter le principe permettrait aux compagnies de s’affranchir de l’écocontribution sur les billets d’avion, de la taxe incitative relative à l’Incorporation des Biocarburants (TIRIB), ou encore de toute obligation d’acheter des droits d’émission de gaz à effet de serre (Système d’Échange des Quotas d’Émissions de l’Union européenne, UE-ETS) pour les émissions de CO2 compensées par des actions concrètes et reconnues. C’est notamment le cadre du programme mondial Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation (CORSIA).
La neutralité des vols ne justifie plus une partie de la loi Climat et résilience, notamment la fameuse interdiction des vols entre deux villes si une alternative ferroviaire existe. Ainsi, le Scara est fondé à demander à l’État une sérieuse révision de la loi. La compensation n’est pas le seul outil, les dirigeants du SCARA militent également pour une généralisation de l’usage du SAF et donc appellent les pouvoirs publics à réaliser les investissements nécessaires. Parmi les autres demandes du SCARA, il y a toujours depuis des années, la prise en charge par l’État des missions régaliennes dont il impose le financement aux compagnies aériennes.
Depuis la crise, s’est ajouté le refus de couvrir les dépenses de la DGAC. Ses dirigeants ont contracté un emprunt de deux milliards d’euros lors l’arrêt du transport pour continuer à payer, notamment les contrôleurs. Au moment où les compagnies restent encore très fragiles, le SCARA estime que cette couverture ne doit pas être à la charge des compagnies ; le syndicat demande l’annulation de cette dette (après l’obtention d’un moratoire) ainsi que celle de taxe d’aéroport. C’est à la solidarité nationale de prendre le relais. Les compagnies doivent faire face aux remboursements des PGE, mais également à des hausses des coûts, plus particulièrement celui du carburant.
Le SCARA demande également une réflexion sur le financement des installations aéroportuaires, mais également sur leur mission : il continue de dénoncer le principe de la double caisse. Les aéroports se dotent de surfaces commerciales alimentées par la clientèle des compagnies et le produit de ces ventes ne va pas dans une caisse commune qui servirait à réduire les taxes locales. Il va dans une caisse qui « enrichit » directement les aéroports, les actionnaires, etc. sans le moindre retour pour les compagnies.
Le SCARA milite pour une remise à plat des pratiques aéroportuaires avec une discussion générale associant tous les acteurs. Ses dirigeants regrettent en tout cas une forme d’autisme face aux problèmes du transport et des compagnies aériennes, ils espèrent toujours un État militant, à l’écoute des besoins du secteur et pleinement régulateur. Le début de l’année est toujours le meilleur moment pour espérer.