Le gala de charité d’Aviation sans frontières est un événement annuel nécessaire pour l’équilibre budgétaire de cette association qui, rappelons-le, est particulièrement efficace dans le solidaire grâce ses 1 000 bénévoles actifs qui prennent en charge chaque année le transfert de plus de 1 000 enfants dans le monde pour qu’ils soient opérés, effectuent 1 000 heures d’enseignement auprès d’enfants occupés à construire un ULM, assurent le transport de 5 000 colis et réalisent 2 000 heures de vol à l’aide des avions d’ASF pour des missions humanitaires.
Votre magazine y participe, une tradition depuis bientôt deux décennies, invité chaque année à la table sponsorisée par Dassault. À celle-ci s’y trouvent des personnalités fortes de notre Administration, j’en profite pour apprendre et faire passer des messages. Et quand vient le dessert, les convives par centaines brandissent leur CB pour participer à une tombola, dans la certitude de contribuer à une noble cause.
Dernièrement, Gérard Feldzer ‑ celui-là même qui fut le poil à gratter de l’ENAC, d’Air France et de la DGAC, un électron libre qui a inventé le slogan « Le ciel est à tout le monde ! » quand il s’est agi de défendre l’aviation légère ‑ a pris en main le destin d’ASF. Et la légèreté insouciante des galas a laissé place à quelque chose de plus responsable, Le Bristol Paris et sa table étoilée ont été abandonnés au profit de la cantine du 7e étage de l’UNESCO, un symbole plus qu’une question de sous, et des orateurs ont remplacé magiciens et divas.
L’année d’avant la COVID, le pilote et homme politique Jean-Baptiste Djebbari était venu saluer les bénévoles et rappeler son soutien à Gérard, et aussi deux tentatives non encore exaucées de piloter gracieusement pour ASF, avec l’espoir que cette troisième soit entendue.
Cette fois-ci, plus sérieusement, Catherine Maunoury, Jean-François Clervoy et Bertrand Piccard sont venus dispenser des messages qui parlaient de l’aviation que nous aimons, mais aussi de la planète et d’un engagement global nécessaire. Sans heurter les consciences, avec tact.
Catherine, qui revenait d’un colloque sur l’intelligence artificielle qui laisse présager d’une aviation plus ou moins autonome à terme, a exprimé sa crainte que nous soyons bientôt les derniers pilotes à être en prise directe avec leur machine, « avec cette dimension humaine qui nous rapproche d’ASF et qui, seule, permet d’accomplir des missions difficiles, risquées, imprévues, dans les limites du possible, dans l’enthousiasme, dans la rigueur, l’entraînement, la ténacité… »
Jean-François Clervoy, lui, a raconté ses tours du monde en 90 minutes, l’espace sans frontières, la terre vivante et qui nous survivra car elle est d’une solidité à toute épreuve puisqu’elle a résisté aux impacts d’astéroïdes monstrueux, aux éruptions volcaniques, mais avec une biosphère délicate, un vivant fragile que l’on comprend parfaitement quand on vole dans l’espace, d’où la nécessité d’une solidarité entre tous pour faire progresser la connaissance par l’exploration, la santé par la recherche, la solidarité envers les peuples privés de ressources mal distribuées sur la planète, ce qui s’observe parfaitement de la-haut : « La terre est notre vaisseau spatial naturel et nous sommes tous membres du même et seul unique équipage du vaisseau spatial Terre. »
L’ascétique explorateur Bertrand Piccard a rappelé que l’aviation nous réunissait autour de l’humanitaire, mais que l’exploration était nécessaire car elle obligeait à sortir de sa zone de confort pour entrer dans l’inconnu, à douter pour se remettre en question, développer sa conscience, sa performance, dans tous les domaines, et bien sûr dans la protection de l’environnement. Ainsi, le seul but de son Solar Impulse était d’explorer des technologies capables de protéger l’environnement : « Voler dans un avion expérimental sans carburant était saisissant au début, j’avais le sentiment d’être dans le futur : voler avec des hélices qui ne font pas de bruit, pas de pollution, qui n’ont pas de carburant pour tourner. Et puis j’ai compris que je n’étais pas dans le futur mais dans ce que les technologies d’aujourd’hui nous permettent d’accomplir. Et cela signifiait forcément que le reste du monde était dans le passé, avec des moteurs à combustion qui polluent, inefficients, de vieux processus industriels, des énergies fossiles. »
Et ce dernier de nous inciter alors à explorer de nouvelles manières de faire, économiquement rentables et capables de protéger l’environnement, d’améliorer la qualité de vie des gens qui souffrent le plus, comme le fait déjà ASF.
Catherine a enfin exprimé le souhait que le nouveau gouvernement réenchante l’avenir des activités aéronautiques et spatiales auprès de la jeune génération : « Nous voulons tous protéger la planète, mais nous voulons en même temps protéger nos activités aériennes afin qu’elles ne soient plus le bouc émissaire désigné d’office, il nous faut donc trouver tous ensemble un moyen de continuer à voler durablement ! »
Qu’ajouter ? Allons, j’ose, bons vols à tous !
Jacques CALLIES