Sur mes cahiers d’écolier. Sur mon pupitre et les arbres. Sur le sable sur la neige. J’écris ton nom. Sur toutes les pages lues. Sur toutes les pages blanches. Pierre sang papier ou cendre. J’écris ton nom. Sur les images dorées. Sur les armes des guerriers. Sur la couronne des rois. J’écris ton nom…
Si le poème de Paul Éluard, que nous avons tous ânonné sur nos bancs d’écolier, m’est venu à l’esprit ce matin, devant ma page blanche, ce n’est pas pour vous ramener à votre enfance, heureuse et insouciante si vous la comparez aux heures sombres d’aujourd’hui, mais bien de réveiller les consciences, et de lancer un appel à la résistance !
Je vais être cash : non aux comportements autocrates, je refuse que l’Autorité finisse par nous imposer, par des voies détournées, et peut-être par la force, un beau jour, qui sait, de choisir entre la marche, le vélo, la bagnole et le TGV !
Certes, le sujet peut sembler futile au vu la crise ukrainienne et géopolitique actuelle, et de la COVID, et de tout le reste, et pourtant, il ne l’est pas car il parle de liberté.
Voici une anecdote de plus qui m’a horripilé. Pour essayer le TBM 960 qui fait la couv de ce numéro, quoi de plus rapide, et de normal pour un pilote, qu’un petit coup d’ailes directement vers le parking de Daher ?
Rendez-vous est donc pris le 5 avril, pour 11 heures du matin, avec le responsable du support technique et le patron des essais en vol et, pour assurer la mission, je pose la veille à 16 heures un plan de vol (FPL) pour 06 h 30 h Z, soit 08 h 30 locale : « Chez Eurocontrol, premier arrivé, premier servi ! » comme on dit.
Le lendemain, à 06 h 30 locale, alors que j’ai déjà commencé à rouler vers Toussus-le-Noble pour y préparer l’avion, je reçois cet e-mail sur mon smartphone : « You have received a slot allocation from EUROCONTROL for your flight plan from LFPN to LFBT (N77GJ). Your calculated takeoff time is 11:39:00Z »
5 heures et quelque d’attente ? Vous imaginez l’impact sur un agenda. En plus, pas question de voler VFR, les lignes à haute tension sont accrochées. Alors, au lieu de me concentrer sur ma conduite, je téléphone tous azimuts et apprends ainsi que je suis l’une des nombreuses victimes collatérales de la mise en place d’un nouveau logiciel, 4-Flight, sur le secteur est, c’est-à-dire Reims.
La tour d’Orly est au courant, bien sûr, elle me suggère un départ plein ouest, ce qui semblerait débile à tout autre qu’un aviateur :
– Vous arrangerez cela en l’air avec nos collègues de Paris.
Puis, le BNIA de Bordeaux réussit à faire accepter à Eurocontrol un FPL qui passe en gros par Évreux, Caen, Rennes et Nantes avant de descendre vers Cognac et Agen : pas vraiment eco-friendly, mais à la guerre comme à guerre !
Une fois en l’air, je patiente donc sagement au soleil, en tenant informé Daher des difficultés rencontrées. Au moment de mettre le cap vers Caen, je risque un timide :
– Ce serait possible d’obtenir enfin un raccourci ?
– N77GJ, si vous allez vraiment à Tarbes, que faites-vous sur ce départ ?
– Mais… C’était une suggestion de votre collègue de la tour d’Orly, compte tenu de vos difficultés avec 4-Flight ! Et cette route a été finalement trouvée et remplie par le BNIA de Bordeaux !
– 4-Flight ne concerne que l’est parisien. En fait, vous vouliez échapper à 5 heures de slot, alors vous avez ce que vous méritez ! Demandez donc à la tour d’Orly de vous aider !
Évidemment, je me fâche tout rouge et rappelle notamment au contrôleur qu’il est là pour me faciliter la vie et non pas pour m’emmerder. Long silence sur la fréquence. Un Air France risque un message, je pense en mon for intérieur que l’équipage doit bien se marrer. Puis c’est au tour d’un easyJet et, enfin, je reçois :
– N77GJ, prenez quinze degrés gauche.
– Euh, cela me fait un cap deux sept zéro, plein ouest quoi, pas vraiment le sud !
– N77GJ, passez donc avec Nantes sur…
Comment en est-on arrivé là ? Comment la France, qui s’était élevée au niveau des États-Unis en matière de services rendus en secteur d’informations en vol, aux VFR comme aux IFR, peut-elle partir ainsi en vrille ? Avec des SIV carrément à la dérive, comme ceux de Seine et de Montpellier ?
Rappelons que, si l’aviation légère et sportive de loisirs y a droit, elle n’en est pas la seule utilisatrice, que bien des pilotes voyagent à titre professionnel, en VFR ou en IFR, ce qui devient impossible avec des créneaux de 5 à 6 heures !
Il est donc légitime de s’interroger sur les intentions du ministère de la Transition écologique, chargé des Transports : tout le bazar actuel n’est-il pas intentionnel, histoire de nous contraindre à prendre le train ?
Mes frères pilotes, résistons, au nom de la liberté !
Jacques CALLIES