Nous voici à moins d’un mois avant le premier tour de nos élections présidentielles. Nous allons donc assister au jeu des chaises musicales pour la constitution du gouvernement après le deuxième tour. Nous n’avons pas l’habitude de faire de politique dans le magazine mais, cette année, nous sommes un peu effarés de voir à quel point les discours de certains candidats sont éloignés des réalités que connaît l’aviation générale et de celles vécues par nos concitoyens.
Les discours visant à allumer le bûcher sur lequel l’aviation devrait, selon eux, être brûlée, sont légion et le Fliegskam (la honte de prendre l’avion) est devenu un argument politique. Tous ces discours s’appuient sur la nécessaire transition écologique, devenue si urgente que l’on en vient à nier les évidences techniques et économiques. Cela conduit à condamner tout un secteur économique.
Si les écoles de pilotage et les aéroclubs s’équipent d’avions électriques ou réputés plus « verts » aujourd’hui, c’est pour échapper à l’opprobre public. La réalité les rattrape rapidement. Ainsi, Airbus Flight Academy vient d’investir dans des avions consommant peu d’un carburant non plombé. C’est indéniablement une avancée dans le bon sens. Mais la réalité opérationnelle nous rattrape vite. Ces avions ne peuvent être utilisés que pour la formation initiale des pilotes : après les 25 premières heures de vol – sur plus de 300 heures pour une formation professionnelle –, ces avions sont remplacés par des appareils traditionnels. C’est donc bien sur les carburants consommés par ces derniers et sur l’évolution de leurs motorisations que les efforts doivent porter. Sinon la situation deviendra comparable à celle où l’on obligerait les autos-écoles à former l’ensemble de leurs élèves sur des voitures sans permis, et uniquement sur circuit fermé.
Si les nouveaux avions et motorisations évoluent, nous n’en sommes pas encore au point où tout un secteur peut changer les outils qu’il utilise. Nous sommes face à des réalisations qui annoncent l’avenir et ses possibilités, mais qui peinent encore à trouver un ancrage économique dans la réalité.
Le véritable enjeu se situe au niveau des appareils existants, car nul ne dispose des fonds nécessaires à un remplacement de la flotte actuelle.
Et c’est donc tout l’enjeu de la transition écologique. Il s’agit de faire évoluer l’aviation, pas de la réinventer du jour au lendemain et se rendre compte que les structures d’enseignement sont incapables d’investir dans des produits nouveaux qui leur permettent d’achever la formation de leurs élèves.
En parallèle, il faut s’assurer que la distribution des nouveaux carburants puisse se faire sur les aérodromes et que les prix restent acceptables, grâce à une industrialisation raisonnée des filières de production.
Il est temps que nous fassions tous preuve de réalisme et que nous acceptions le fait que si nous voulons aussi une transition écologique dans l’aviation, il nous faut d’abord faire le bilan des trente années écoulées, comprendre qu’il est positif comparé à celui de bien d’autres secteurs et, surtout, accepter le fait que les choses ne peuvent pas changer instantanément.
Ce qui ne veut pas dire qu’il faut exempter l’aviation de tout effort en la matière, loin de là.
Notre ministre des Transports actuel est un homme qui connaît parfaitement l’aviation tout en étant conscient des enjeux politiques et économiques posés par notre volonté à tous d’une planète plus propre. Il ne nous reste plus qu’à espérer qu’à la fin du mois de mai, nous ayons un ministre qui reste lucide et pragmatique, et qui soit capable de garder raison.
Transition écologique, oui !
Mais révolution hâtive, capable de mettre à mal un secteur entier de l’industrie, non !
Emmanuel DAVIDSON