La décision est surprenante à plus d’un titre : la liaison Tarbes/Lourdes-Paris Orly a été attribuée à la compagnie lowcost espagnole Volotea qui connaît un fort développement en France avec l’ouverture d’une 7e base à Lille. Il s’agit d’une ligne de délégation de service public (DSP) dont l’équilibre est assuré grâce à des fonds publics. Cette ligne a été attribuée par le syndicat mixte de l’aéroport de Tarbes, Pyrénia, dans le cadre d’un appel d’offres pour lequel deux autres compagnies avaient postulé : Chalair et Amélia, cette dernière exploitait la ligne pour le compte d’Air France. La compagnie nationale n’ayant pas voulu (re) postuler, Amélia souhaitait reprendre la ligne en propre.
Volotea exploitera cette ligne à partir du 1er juin, et ce pour 4 ans. Elle mettra en ligne un Airbus A319 de 156 places, soit une capacité en nette augmentation de 640 sièges par jour pour deux rotations quotidiennes, contre trois pour Amélia via Air France. Si on estime le trafic lissé sur l’année, en comptant quelques jours par an où la météo ne permettra pas les vols, les experts tablent sur 350 jours d’exploitation, soit 224 000 places offertes pour la liaison Paris-Tarbes. Cette ligne est subventionnée à hauteur de 5 millions d’euros par an dont 1 directement versé par l’État. Sur le principe, tout le monde ne peut que se réjouir du maintien d’une ligne régionale qui contribue au désenclavement de la province. Le ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari et même le Premier ministre Jean Castex se sont réjouis de cette ligne. Il faut dire que c’est une ligne DSP « ancienne » dont le principe a été validé par la Commission européenne. Tous les élus de province aiment avoir une ligne, financée ou non, pour leur territoire.
Il faut approcher la loupe de la carte. De plus près, on voit qu’il existe aujourd’hui à une cinquantaine de kilomètres un autre aéroport, celui de Pau qui propose également une liaison vers Paris Orly… La ligne est assurée par Air France, voire Hop ! non alimentées par des fonds publics (enfin pas directement !). D’ailleurs, les élus locaux se réjouissent également de cette desserte qui est dans un département différent. En fait, la situation ne date pas d’hier, il y a sur Paris. Sauf que maintenant, nous avons deux compagnies en concurrence quasi frontale (à 50 km près) qui vont au même endroit, deux fois par jour pour Orly du côté de Volotea et cinq pour Orly et Roissy Charles de Gaulle. D’ailleurs, une telle reste assez surprenante pour une ville de la taille de Pau. On sait que son maire, François Bayrou est très attaché à ce lien parisien. En plein COVID, il avait même affrété ASL Airline.
Volotea entrera en lice à partir de juin ; donc jusqu’à fin mai, on a Air France (via Amelia) d’un côté et Air France en propre de l’autre… Cette configuration fait un peu sourire les pros, côté rationalité des infrastructures. « Je me demande bien pourquoi la commission a autorisé un truc pareil. Je ne serai pas surpris de voir Pau réagir en s’adressant à la commission », lâche cet expert. Un autre point que les initiateurs de cette venue de Volotea devront vérifier : c’est l’éligibilité de la ligne à la subvention étatique. Au-delà de 150 000 passagers, cette subvention tombe. A moins bien sûr que la venue de Volotea ne soit pas totalement justifiée par une simple liaison vers Paris. Tarbes pourrait bien avoir envie d’aller plus loin en Europe.
Il y a un autre point sur lequel le SNPL ne s’est pas encore positionné : Volotea a été condamnée à 200 000 d’amende pour travail dissimulé en septembre par le tribunal correctionnel de Bordeaux. Naturellement, la compagnie a fait appel deux jours après le jugement… En janvier, des élus des deux régions, la Nouvelle Aquitaine et la Région Occitanie, se sont réunis pour envisager de n’avoir plus qu’un seul aéroport… Mais la défense des territoires respectifs a été la plus forte. Les deux plateformes subsistent. Celui de Tarbes possède d’ailleurs un argument imparable : un grand parking. La sélection naturelle pourrait s’opérer et mettre à mal Pau. Sauf si François Bayrou (re) monte au créneau…