En septembre dernier, lors du congrès d’automne du GIPAG auquel nous participons chaque année, un événement inhabituel s’est produit : pour la première fois, le directeur général de l’aviation civile y a débarqué et a même pris le temps d’y déjeuner, geste ô combien symbolique.
D’habitude, l’Aviation civile y délègue un ou deux de ses bras droits, qui redoutent un peu cette confrontation avec d’irréductibles Gaulois, poujadistes pour certains, manquant parfois de civilité lorsque l’agacement les gagne, mais nos fonctionnaires font face avec courage.
La participation, même symbolique, de Damien Cazé, le DG nommé il y a un an pour remplacer Patrick Gandil, a été instructive. En effet, nous nous étions inquiétés de la nomination d’un homme « silencieux » – étant passé par les Ponts et Chaussées, l’ENA, la Cour des comptes, le cabinet du ministre de l’Agriculture et de la Pêche, Météo France, les affaires maritimes, l’écologie et le cabinet du Premier ministre – à un poste dont dépend l’ensemble de nos activités. Le secteur de l’aviation générale n’est-il pas fragile, technique, irrationnel souvent ? Ne suffit-il pas d’un rien de réglementation mal ficelée, d’un manque de concertation, pour que la machine ne se grippe ?
Le nouveau directeur général s’est défini comme un technicien, bien guidé et entouré, mais volontairement discret à son arrivée, le temps d’apprendre. Arrivé au mauvais moment, en pleine pandémie, avec ses conséquences sanitaires, économiques et sociales, son rôle est de faire redémarrer la machine alors même que les prévisions mondiales sont mitigées, que le taux de vaccination global reste par trop inégal pour qu’on puisse imaginer une sortie de crise du secteur des transports aériens avant deux ou trois ans.
Positif aussi : « Si cette crise nous essore, elle a cependant du bon, elle accélère les mutations, elle remet les idées en place. Et ceux qui avaient de la superbe l’ont perdue. »
Et optimiste devant la vie qui reprend, pleine de défis enthousiasmants, de promesses à terme : revenant de Tirana où avait eu lieu le 70th Special meeting of Directors General of Civil Aviation, il y a noté combien l’absence de la Grande-Bretagne s’était fait sentir et combien la responsabilité de la France était désormais immense.
L’un de ses défis est bien sûr la transition écologique, la décarbonation à l’horizon 2050, dans un contexte défavorable car les citoyens ordinaires se sont désaccoutumés au bruit et à la vue des avions. Sa vision est de relever ce défi tous ensemble, sans politisation, sans fracture, car nous y perdrions compétitivité et élan. Damien Cazé a enfin rappelé que, si la DGAC se doit de porter l’intérêt public, qu’on se doit de l’écouter quand elle dit que « nous allons trop loin », elle reste néanmoins à notre écoute.
Ayant perçu un humanisme inhabituel chez ce haut fonctionnaire, je profite de cette tribune libre, que je sais la DGAC lire, parfois avec agacement quand je fais fausse route, pour lui rappeler – je n’ose imaginer lui apprendre – la pénurie de contrôleurs qui frappe le secteur d’information de vol (SIV) de Seine. Ce dernier, qui devrait compter 21 contrôleurs pour fonctionner à plein, en tenant compte des congés, des maladies, n’a actuellement que 9.3 contrôleurs affectés, le .3 s’expliquant par des postes à mi-temps et à tiers-temps. On comprend alors qu’il est absolument impossible à Seine de fournir un service sur l’amplitude horaire nécessaire, ce qui perturbe le bon fonctionnement de l’aviation générale.
Certes, les pilotes VFR peuvent toujours se reporter, en heure de fermeture de Seine, sur Paris Info qui continue à les informer sur le trafic et les ZRT ou ZIT qui auraient échappé à leur vigilance, mais les pilotes IFR, au départ et à l’arrivée des aérodromes de la région parisienne, sont désormais soumis à des créneaux de plusieurs heures, qui rappellent les pires heures du contrôle aérien du siècle dernier, même si elles nous avaient valu le plaisir de transporter Jean-Cyril Spinetta, président d’Air Inter, car notre Seneca III avait obtenu un excellent slot, mais pas son King 100 !
Et si Paris Contrôle pallie les carences de Seine, il n’a d’autre solution que de limiter les mouvements IFR à 1 ou 2 par heure dans les secteurs qu’il gère pour le compte de Seine. Ceci pénalise de façon inadmissible non seulement l’aviation d’affaires, surtout en cette période pandémique où le déplacement dans un avion privé a pris un sens aigu, mais tous ceux qui évoluent en IFR : écoles, entreprises de travail aérien, dirigeants d’entreprise, ateliers de maintenance.
Il serait donc judicieux de comprendre comment on est arrivé à une situation pareille – la pandémie ne peut l’expliquer, car aucun décès ne nous a été signalé à Seine – alors que les besoins en recrutement de contrôleurs sont bien connus à l’avance.
Bonne réflexion et heureux Noël à tous !
Jacques CALLIES