La France s’apprête à ratifier un accord de ciel passé entre l’Union européenne et le Qatar. Comme tous les autres accords du même type, cela permettra dans certaines conditions, aux compagnies des pays signataires de pouvoir ouvrir des lignes domestiques, voire de moyen-courrier, dans les deux zones de ciel appartenant aux états. Ainsi, on peut imaginer Qatar Airways ouvrir des lignes ou encore Air France créer des lignes à l’intérieur du Qatar ou dans sa sphère géographique proche. Ces accords ont permis un essor important du transport aérien, dans un esprit de concurrence soutenue, chère à l’Union européenne.
Au-delà de cette réciprocité, un ensemble de syndicats sont vent debout contre le projet de ratification de l’accord par la France. Un pool d’opposants qui rassemblent 13 syndicats d’Air France pour l’essentiel. Ils ont pris la parole dans une « lettre ouverte à la représentation nationale » qui détaille leur opposition. Le premier point abordé concerne les impacts sociaux qui ne peuvent qu’être négatifs en termes d’emploi. Ils redoutent une fragilisation de la compagnie nationale, mais également un emploi pilote à des conditions moins intéressantes qu’en Europe. Ils estiment, en outre, que cet accord est déséquilibré, le Qatar ayant plus à prendre qu’à offrir, cela vaut pour la France, mais également pour l’Europe. Ils dénoncent surtout une concurrence totalement déloyale puisque Qatar Airways est accusée d’être largement subventionné par son état tout « en employant des conditions sociales rétrogrades ».
Cet état des subventions a été révélé il y a plusieurs années par les Américains. Les syndicats rappellent que Qatar Airways a été aidée durant la période difficile du COVID, cela sans contrepartie, ce qui n’est pas le cas d’Air France à qui de nombreuses exigences ont été demandées. « Nous avons été obligés en contrepartie des milliards d’aide de restituer des créneaux, d’abandonner des lignes à moins de deux heures trente de la Capitale, et d’accepter pas mal de contraintes. Le Qatar n’est pas dans ce cas, par ailleurs il n’a rien à nous apporter sur son réseau. La CGT est très défavorable à ce projet, l’État nous aide et en même temps, nous allons être très pénalisés par ce traité », explique Valérie Raphel de la CGT Air France.
Les syndicats estiment que c’est au moment où le transport aérien traverse la plus grave crise de son histoire que l’Europe décide d’ouvrir son ciel. De plus, personne ne croit réellement que les clauses contenues dans l’accord en matière de respect de la concurrence seront appliquées (concurrence équilibrée, contrats sociaux compatibles avec notre niveau de protection). Elles pourraient instaurer une véritable concurrence déloyale, inciter une captation des passagers des villes de province françaises vers le hub de Doha, ce qui pourrait alors fragiliser ceux de Lyon et de CDG. Alors, certes, cet accord a été lancé bien avant d’Emmanuel Macron à la présidence. Mais, il nuit à la visibilité de la politique française de soutien à l’aérien.