Comme tous les mois, je n’écris ce billet qu’à l’attention de nos frères pilotes, futurs pilotes, et membres associés, au moins spirituellement, à la chose aéronautique. Et à personne d’autre, je ne m’exprime pas sur les réseaux sociaux car, à quoi bon, avant leur invention, nous autres étions déjà victimes de l’incompréhension générale. Patrick Charrier, assureur et compagnon régulier de nos aventures, me parlait récemment d’une haine inconsciente, faisant un rapprochement avec le syndrome d’Icare, ce rêve de voler incompréhensible, voire insultant, pour les terriens ancrés les pieds dans la gadoue, ne voulant rien savoir d’autre, au point de détester tout ce qui nous rend heureux.
Il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, expliquer à un jeune qu’il peut choisir entre un brevet de pilote privé qui l’emportera dans les cieux et, qui sait, le plus beau bureau du monde, ou bien un permis moto qui le conduira de virage en virage, dans le meilleur des cas, est devenu inaudible. Voire risqué ! La semaine dernière, Philippe Favarel, l’inventeur du Warter Aviation Grass-Cockpit, une compétition bon enfant pour écolos pilotes, entre autres faits d’armes, s’est risqué à publier un billet sur les RS sur le flygglädje, le plaisir de voler en suédois, pour s’opposer au flygskam de Mlle Thunberg.
Un billet bien argumenté, vu des centaines de milliers de fois, mais je ne retiendrai des centaines de commentaires inattendus reçus, que ce dernier, non pas le plus méchant, mais le plus idiot : « Quelle honte de défendre de telles idées ! Autant admettre que vous souhaitez le retour de la peine de mort ! » Ceci nous a donc décidés à remettre à l’ordre du jour la création du GRETA !, interrompue du fait de l’impossibilité de réunir une assemblée constituante « présentielle », ce qui semblait un minimum pour nous assurer de l’engagement de ses membres fondateurs.
Il n’y a vraiment plus de temps à perdre. Emmanuel Davidson vient de m’apprendre que les loups hurlent à nouveau à Köln, à Cologne – je veux parler des lobbyistes – et qu’ils pourraient bien avoir la peau des pilotes avion, en exigeant de manière indécente des privilèges incroyables pour les futurs exploitants de drones, tels Amazon et consorts.
Ainsi, l’IAOPA vient de recevoir l’ordre du jour d’une réunion du comité EASA, assortie d’une séance de vote qui doit se tenir d’ici 10 jours. Il s’agit d’approuver un texte qui régira les espaces aériens dans le futur et, surtout, les règles de cohabitation entre les drones de toutes tailles et les vols pilotés, c’est-à-dire les nôtres !
Inutile de dire que la stupéfaction est complète pour tous les représentants d’associations de pilotes que nous soutenons ou pour celles qui défendent des catégories d’aviation différentes (EBAA, GAMA, etc.). D’autant plus que, juste avant Noël, une première tentative avait été faite par le même lobby « droniste », dans les mêmes conditions temporelles, et qu’elle avait été déjouée en arguant de la nécessité de partager équitablement l’espace aérien et que l’attrait de la nouveauté et du dernier gadget à la mode, induisant un marché commercial potentiel énorme, n’était pas un argument suffisant pour renier plus de cent ans d’évolution de l’aérien.
Ces textes sont destructeurs pour l’aviation générale. Même si la proposition laisse une certaine latitude d’interprétation à chaque pays, ils prévoient que tous les vols « habités » devront pouvoir se signaler aux drones, ce qui implique des équipements obligatoires supplémentaires. Pire, les vols habités ne seraient plus prioritaires sur les vols de drones et l’espace aérien leur serait donc restreint si des vols télépilotés sont en cours.
J’imagine que, comme moi, vous avez l’impression de vivre un very bad trip ! Mais, si je me réfère à certains de nos rendez-vous à Bruxelles ou Cologne, ce n’est pas la première fois que nous vous disons en être toujours revenus pour le moins déconcertés. Parfois, nous avons crié au loup, mais que s’est-il passé ensuite ? Rien.
Sans mobilisation, notre activité est en danger permanent car nous sommes gouvernés par des élus qui, souvent, comme pour les pandémies imprévues, font face comme ils le peuvent, se basant sur des informations plus ou moins objectives, présentées comme des vérités alors qu’elles sont motivées par des intérêts particuliers. Les loups jouent là leur rôle auprès de ces derniers qui, alors, prennent des décisions, parfois à contre-courant de la sécurité. Dans la précipitation, sans malice, parce qu’ils sont convaincus qu’une avancée rapide est nécessaire et qu’elle apportera un bénéfice à la communauté. Hélas, sur la base d’informations partielles ou tendancieuses.
Si nous ne nous regroupons pas, si nous n’agissons pas, en naïfs et gentils agneaux que nous sommes, nous allons nous faire égorger alors que nous pourrions mettre en fuite lesdits loups en faisant front, en rangs serrés, unis !
Jacques CALLIES