Après la période de sidération de l’arrêt des vols (Air France n’assurait plus que 5 % des siens), tout le monde s’est lancé dans les analyses pour savoir si la reprise serait en U, V, Y, Y inversé ou en R comme ralenti… La réponse nous est donnée officiellement par l’Association internationale du transport aérien : la demande de passagers s’est maintenue à des niveaux exceptionnellement bas ; -79,8 % par rapport au niveau de juillet 2019, mais c’est mieux que juin qui était à -86,6 %. En clair, les passagers sont restés à la maison, 4 sur 5 et selon IATA, les industries sont restées, elles, paralysées. La chute est généralisée pour le trafic international, en moyenne, plus de 95 % de chute (par rapport à l’année dernière) sur les cinq continents. Le pilote d’un vol d’une compagnie du Moyen-Orient entre Cebu et Doa n’avait que 5 pax à bord en juillet. Sur les marchés domestiques, la régression est moins forte -57 % en juillet contre -68 % en juin. Les marchés intérieurs russes et chinois se portent mieux que les autres, en fait la régression y a été plus faible ; 17 % de baisse contre 58 en juin par rapport à 2019 ; 28 % de baisse en Chine en juillet par rapport à 2019, et surtout même rythme dès la mi-juillet 2020…
Les compagnies ont beau déployer des offres, leur réseau, des disponibilités, voire des tarifs. Le pax ne monte pas à bord. Les aéroports sont prêts eux aussi… Tout le monde à la frousse : les compagnies ont beau renouveler l’air toutes les 5 minutes et coller un thermomètre sur la peau des gens, cela ne suffit pas. Personne n’était dupe d’ailleurs dans le milieu aérien. Faire tout un vol avec un masque n’est pas ce que l’on peut appeler une situation confortable. Mais cet argument reste bien sûr presque anecdotique par rapport à la crainte de l’autre, de l’inconnu dont on ne sait s’il a pris les précautions d’usage. La vraie crainte vient de l’incertitude concernant l’ouverture et la fermeture des frontières, mais surtout des procédures de quarantaine qui existent avant l’entrée et après l’entrée si un test est positif.
IATA s’efforce d’inciter les gouvernements à adopter une politique claire en matière d’ouverture de frontières afin des restaurer la confiance des passagers. Alexandre de Juniac, le dirigeant de IATA, accuse les états de ne pas avoir fait beaucoup pour intensifier le transport aérien au plan mondial. Il estime que le manque de coopération entre les gouvernements empêche le redémarrage des voyages aériens en ne gérant pas les risques liés à l’ouverture des frontières, ce qui met la mobilité mondiale sous clé. Les responsables de l’instance européenne craignent que l’offre des compagnies ne rencontre pas de demande, d’autant que l’argument prix a un faible impact sur l’envie des populations. Naturellement, IATA estime que les quarantaines s’opposent également aux déplacements. L’institut préconise la mise en œuvre des directives de l’OACI dans le cadre de son « Take Off guidance » et des recommandations du groupe de travail de l’OACI pour la reprise des voyages aériens (CART). Par ailleurs, IATA préconise également que l’UE continue d’aider les compagnies avec la dérogation à la réglementation sur les créneaux horaires. La règle du 80-20 est pour l’heure suspendue jusqu’au mois d’octobre. Cette règle précise que si une compagnie n’utilise pas 80 % de ses créneaux attribués, elle risque de les perdre l’année suivante, ce qui est impossible à suivre en cas de chute brutale du transport aérien.
Au-delà de l’offre que les compagnies mettre en place pour relancer la machine, le redémarrage du transport aérien reste bel et bien suspendu à des décisions politiques et stratégiques. Et dans la logique actuelle, en France, notre gouvernement ne manquera pas de tenir compte des nouvelles formes d’opposition au transport aérien… La suppression de la ligne Bordeaux-Orly apparaît bien dans cette logique environnementale.