Avez-vous remarqué combien les journées raccourcissent ? C’est une préoccupation pour nous, qui faisons partie d’une espèce menacée, comme si chaque jour qui passe depuis le solstice d’été nous amputait d’un peu de notre droit à déployer nos ailes dans l’air frais de l’aube naissante ou dans le calme des interminables soirs d’été.
Cependant notre préoccupation ne doit pas être l’arrivée prochaine du solstice d’hiver, ce doit être les attaques dont nous sommes injustement les victimes. Notre action la plus urgente doit être d’imposer réalisme et objectivité en matière de pollution aéronautique dans le concert politico-médiatique, de nous faire entendre dans ce happening verdâtre, où chacun se veut écologiste car c’est dans l’air du temps, et indispensable pour garder une image populaire.
Sans cela, soyons-en sûrs, c’est la nuit permanente qui nous guette !
Depuis des années, nous vous rapportons les efforts de notre industrie pour réduire son empreinte carbone. Mais nos essais d’avions écolo-électriques, tels le Yuneec ou le Pipistrel, qui sont la preuve de nos espoirs, ont suscité des dissensions ; aujourd’hui, c’est Jean-Pierre Chambelin, ancien pilote de ligne, qui malmène dans le courrier des lecteurs Claude Gelès, tout aussi pilote et légitime que Jean-Pierre. Notre aviation, au lieu de rester unie, commence à ressembler à un banquet de Gaulois irréductibles, campés sur leurs positions.
Si on se bouffe le nez entre nous, n’est-il pas normal que ceux qui ont accès aux médias de masse soient aussi arrogants ? Ils sont omniprésents sur les plateaux parce qu’ils ont un message populaire, parce que ce sont de bons clients, légitimement élus, spécialistes…
L’avocat Éric Dupont-Moretti, garde des Sceaux tout neuf, s’est récemment fait massacrer sur une télé, en son absence bien sûr, parce qu’il a préfacé ainsi « Un chasseur en campagne », livre de Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs : « Ce livre, les ayatollahs de l’écologie s’en serviront pour allumer le barbecue où ils cuiront leurs steaks de soja », a écrit avant d’entrer au gouvernement l’avocat, désignant les écologistes comme des « intégristes » et des « illuminés ». Lors de cette émission-débat, une espèce de Cantona en jupons, députée écologique, après avoir taclé Moretti du fait de son utilisation du vocable ayatollah qui l’avait ramenée aux « pires heures de la révolution iranienne », puis conspué un gouvernement faible qui avait laissé trop de place à Willy Schraen, faisant fuir Nicolas Hulot de son ministère, a terminé sa diatribe ainsi : « Vous allez voir, dans deux ans, quand nous aurons le pouvoir, cela va changer, croyez-moi ! »
Dupont-Moretti avait raison, cette députée était bien un ayatollah, mais elle ne le savait pas, et, en plus, personne n’osait le lui dire.
Cette déclaration est caractéristique du vrai danger qui nous guette si nous n’y prêtons pas attention, l’intégrisme. Nous sommes face à des élus qui n’ont plus de contact avec la réalité, l’analyse objective et quantifiée d’un problème ne les concerne pas. Ils ont leur vision, qui occupe tout leur esprit, et nulle autre idée ne trouvera grâce à leurs yeux, même étayée par des données indiscutables. Imposer leurs croyances, fussent-elles infondées, devient une mission sacrée et nul ne doit leur barrer le chemin.
Dès lors, comment convaincre nos élus de revenir à la raison, qu’ils soient majoritaires ou non, puisque les écolos sont incontournables ? Ne représentent-ils pas les quelques % de voix qui donneront la victoire à ces ambitieux, prêts à quelques concessions, même démagogiques, pour parvenir au pouvoir ?
Avec des réunions, des tables rondes, des symposiums ? Cela ne marche pas. Prenons le dossier ENAC Alumni « Développement durable et transport aérien », un travail intelligent présenté un soir de janvier dernier à l’Assemblée nationale. Le sujet était susceptible d’intéresser nos 577 députés et pourtant nous n’en avons compté que trois, quatre peut-être.
De plus, qu’ont fait ces derniers de ce travail propre à nourrir intelligemment la réflexion de leurs électeurs puisque l’aérien concerne tout le monde ? Sauf erreur, rien.
En fait, il manque à l’aéronautique son Willy Schraen, une grande gueule, un tribun qui n’a peur de personne pour défendre la cause de l’aérien dans la sphère publique. Il y a un poste de leader à pourvoir, il nous faut un homme fort de toute urgence, qui sache également faire état des statistiques avérées, qui ait la connaissance des efforts de notre industrie et, surtout, qui n’ait pas peur de monter au créneau, car les élections présidentielles sont dans deux ans. Notre cause est défendable, les arguments sont nombreux, mais il faut les faire entendre, et pour cela se faire entendre !
Jacques CALLIES