À l’heure où le transport aérien connaît une de ses plus graves crises, où la population est contrainte de restreindre ses habitudes de voyages, il sera très certainement tentant pour les adversaires de l’avion de prôner une nouvelle ère, un nouvel usage des avions, quitte à reparler de son caractère polluant. Il est alors intéressant de mettre en lumière un rapport sur l’impact environnemental du transport aérien rédigé par un professeur de Montpellier Business School et chercheur à l’École Polytechnique, Paul Chiambaretto. Il est entouré de plusieurs chercheurs qui appartiennent tous à la Chaire Pégase, dédiée à l’économie et au management du transport aérien.
Le premier enseignement que l’on peut tirer de ce rapport est l’image décalée, voire faussée que le grand public a du transport aérien. Paul Chiambaretto a cherché à connaître au travers d’un sondage quelle était la perception du public. Globalement, 87 % des sondés estiment que le transport aérien est polluant. Pour le secteur du textile, ce chiffre descend à 69 %. Concernant le secteur de l’internet, il est encore plus faible 54 %. Derrière ces pourcentages, on compte les trois catégories : ceux qui sont plutôt d’accord avec l’assertion, ceux qui sont d’accord et ceux qui sont totalement d’accord. De plus, 54 % des sondés estiment même que le secteur aérien pollue plus les autres secteurs (logique). D’autres questions ont également été posées à propos de la contribution du transport aérien en matière de CO2. 81 % estiment qu’il est supérieur à 4 % et plus 25 % des sondés pensent que cette part est de l’ordre de 25 %. Concernant l’évolution du taux de CO2 par passager, 70 % considèrent qu’il a augmenté. Sur la consommation des nouvelles générations d’avions, 65 % pensent qu’elle est au-delà des 4 litres de kérosène par passager pour 100 km parcourus.
Quelle est la réalité selon le rapport ?
Naturellement, la réalité est tout autre. Paul Chiambaretto a, avec son équipe de chercheurs, dressé un état des lieux des publications et des évaluations scientifiques convenues de tous. Le chiffre qui revient le plus souvent pour la part des émissions de CO2 est entre 2 et 3 %, à comparer aux 12 % du textile. Pour Internet, deux études estiment que le chiffre serait de 4 % avec un doublement possible en 2025. L’autre aspect intéressant de l’étude montre le décalage entre l’augmentation quasi mécanique des émissions (croissance du trafic) et le nombre de passagers transportés. Au plan mondial, selon les chiffres de l’Agence Internationale de l’Énergie, les émissions ont augmenté de 28 % en 18 ans quand le trafic passagers augmentait de 153 %. Ce qui montre logiquement une diminution du taux de C02 par passager transporté. Résultat : le transport aérien ne pollue pas autant qu’on l’imagine et le grand public ne le sait pas vraiment.
Les efforts du secteur
Par ailleurs, il est important de rappeler qu’il existe au plan international deux systèmes de compensations économiques des émissions. Le premier est celui de l’ETS (Emissions Trading System), mis en place en 2005 et le programme CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation) qui vise, pour le transport aérien, à une neutralité carbone en compensant les émissions de CO2 avec le niveau de 2020 pour référence. Les constructeurs font évoluer leurs appareils. De plus, la technologie des moteurs s’est améliorée faisant baisser la consommation : elle s’établit à 2,2 litres de kérosène par passager pour 100 km, cela monte à 2,68 pour le Boeing 787-8 ou 2,75 pour un Airbus A330neo. On est donc là encore loin des résultats du sondage. L’utilisation de matériaux composites qui allègent les appareils et donc réduit également la consommation de carburant. Certains organismes, comme l’ONERA (programme IMOTHEP), étudient la possibilité d’une motorisation hybride pour un avion de transport régional. L’organisme associe un grand nombre de partenaires, à la fois des constructeurs (Airbus et Léonardo), des motoristes (Safran Engine, MTU, GE, etc.), des laboratoires de recherche étrangers ainsi que des universités. Les pays nordiques se sont dotés également d’une instance de réflexion et de recherche sur l’aviation : un projet d’avion régional de type ATR est à l’étude.
Les compagnies sont concernées
Les compagnies sont également très impliquées. Elles expérimentent l’utilisation de biocarburants. Ils permettraient, selon l’étude, une réduction de 50 à 90 % des émissions de C02 par rapport au kérosène. Plusieurs compagnies ont déjà réalisé des vols avec ce type de carburant : Virgin Atlantic, KLM, mais Air France aurait dû lancer à partir du 1er juin une utilisation des biocarburants pour tous ses vols au départ de San Francisco, et ce durant 16 mois. Dans leur exploitation, les compagnies cherchent également à réduire les émissions. Le roulage n-1 permet fort logiquement une réduction de 50 % des émissions durant cette phase. Les compagnies ont développé l’écopilotage où l’économie de carburant devient un paramètre important du vol. Grâce à cette approche, le rapport Chiambaretto annonce une économie de 16 000 tonnes d’émissions de CO2 pour l’année 2018. Enfin, les compagnies aériennes impliquent leurs passagers au travers de projets orientés vers la captation du CO2 (arbres, production énergétique, etc.). Elles délaissent le plastique, etc.
Le rapport Chiambaretto a également analysé la notion de flygskam, la honte de voler en suédois. Ce sentiment est devenu viral d’abord sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, le mouvement s’est calmé. Mais cela n’a pas manqué de rappeler aux acteurs du transport aérien combien les exigences environnementales sont devenues fortes. Et, tout le secteur y travaille.