Le ciel était bas et lourd ce vendredi 1er juin, je contemplais mes pieds en marchant dans Paris, anonyme parmi les anonymes, quand un Falcon précédé de deux Rafale nous a tous contraints à lever les yeux un instant vers les cieux. Un hommage involontaire car la plupart des Parisiens ne savaient certainement pas, ou peut-être se moquaient bien que, dans la cour des Invalides, le Premier ministre rende un hommage national à Serge Dassault, en des termes pompeux que le citoyen ordinaire ne pouvait croire sincère : « Visionnaire et patriote, incarnant les différents visages du génie français, Serge Dassault n’a pas seulement consolidé un monument spectaculaire de notre patrimoine industriel, il a aussi contribué à la grandeur industrielle de la France… ».
Les hommes volants, dont vous et moi faisons partie, savent bien que les mots d’Édouard Philippe étaient vrais. Tous ceux qui ont eu l’occasion d’approcher Serge Dassault ont su instinctivement que, derrière le Polytechnicien et l’ingénieur de Sup’Aéro, derrière le riche et puissant patron, se cachait un homme simple, heureux d’échanger avec les pilotes, les futurs pilotes et ingénieurs lors d’un salon ou au hasard d’un repas improvisé, de partager ses convictions, sans s’impatienter, jusqu’à désespérer l’équipage de son Falcon qui finissait par repartir sans lui !
Nous avons aimé sincèrement l’homme et aimerons toujours tous les hommes de Dassault pour les valeurs qu’ils véhiculent. Ainsi, j’ai, sur une étagère, une plaque de verre que je regarde parfois, que nous avions fait graver en 2005 avec les mots « Per Ardua ad Astra », à travers l’adversité jusqu’aux étoiles, afin de l’offrir aux aventuriers de notre Cap sur Oshkosh, dont faisait partie Dassault : une collaboration merveilleuse due à la participation d’un vieil MD 312 Flamant. Cette aventure-là a été incroyable, toutes les difficultés se sont aplanies grâce à l’effet levier Dassault, et elle nous a donné assez d’énergie et de confiance pour organiser ensuite d’autres aventures majuscules pour nos lecteurs.
L’aviation est un combat permanent, cela a été le cas pour Serge Dassault et c’est toujours plus ou moins le cas pour tout le monde. Rien n’est jamais gagné d’avance. C’est ce que j’ai rappelé à Didier Mary, l’organisateur du France Air Expo, un petit salon aéronautique français qui avait trouvé son public au fil des ans et qui vient de fermer ses portes. Succès discutable car France Air Expo a été boudé par trop d’exposants qui ne voulaient pas entendre parler de l’aéroport du Bourget comme lieu d’exposition, boudé par des visiteurs qui ne pouvaient s’offrir un handling obligatoire à 300 euros HT, et même par Dame Météo qui avait érigé des barrières de cunimbs un peu partout en France. Et pourtant il y avait tellement d’idées, de talent et d’envies perceptibles dans les allées. C’est pourquoi Didier ne baissera pas les bras comme nous l’avions craint un moment, il organisera son prochain salon à Lyon-Bron.
Ne jamais baisser les bras, c’est ce que nous recommandons à tous, comme ces propriétaires d’ULM rapides qui sont venus nous harceler sur notre stand, se désespérant des évolutions timides de la FFPLUM qui ne veut pas voir évoluer la masse des ULM à plus de 525 kg, parachute compris, alors que le reste de l’Europe vise 600 kg. Au nom de la préservation d’un système déclaratif et permissif ? Selon nos lecteurs, c’est simplement oublier les quelque 2 000 pilotes (et non pas 200), les propriétaires d’environ 1 500 machines (et non pas 150), qui souhaitent pouvoir voyager à deux, donc avec des bagages et du carburant, sans décoller en surcharge ! Quelques contraintes contre le fait de piloter dans les règles leur semblent évidemment acceptables, en tout cas cela vaut la peine d’y réfléchir ainsi qu’on le fait partout ailleurs qu’en France.
Sébastien Perrot, président de la FFPLM, est convaincu du contraire ? Jean-Luc Charron, président de la FFA, doit y réfléchir mais ne promet rien ? Eh bien, que ceux qui veulent que soit reconnu leur droit à voler légalement aux commandes d’ULM dans la tranche des 525-600 kg, se battent pour cela, sans jamais se décourager car le chemin est ardu jusqu’aux étoiles !
Jacques Callies