La première fois que j’ai entendu cette expression, c’était pendant notre Cap sur Moscou, de la bouche d’Ilia, notre fataliste interprète russe, après qu’il ait perdu un bras de fer avec les administrateurs de l’aérodrome militaire de Joukovsky. Selon lui, les planètes étaient mal alignées, il fallait donc attendre… Quant à moi, j’ai jugé plus efficace d’utiliser mon carnet d’adresses pour éviter les déplaisirs d’une geôle russe à la cinquantaine de pilotes auxquels j’avais promis des joies plutôt que des peines !
Ce n’est que dix ans plus tard, fin septembre, à Gréoux-les-Bains, entre Lubéron et Verdon, que j’ai entendu Alain Battisti, le président de la Fédération Nationale de l’Aviation Marchande (FNAM), évoquer un alignement stellaire.
Ni lui, ni moi n’étions là pour soigner quelque traumatisme dans les eaux sulfurocalciques des thermes locales : Alain était le VIP du congrès d’automne du Groupement des Industriels et Professionnels de l’Aviation Générale (GIPAG) que préside Françoise Horiot ; quant à moi, je m’y trouvais en tant que membre – depuis
30 ans – de ce syndicat professionnel, une nécessité puisque le GIPAG défend les intérêts des mécaniciens et des instructeurs, et donc par ricochet ceux de leurs clients, nous, les pilotes.
Soit dit en passant, j’en ai profité pour découvrir le gentil méli-mélo de pistes et de taxiways de l’aérodrome non contrôlé de Vinon que je croyais réservé aux seuls planeurs, peut-être à raison car, si on ne nous a pas tiré dessus, personne n’a fait l’effort de répondre à nos appels quand nous avons demandé régulièrement pendant dix minutes, soit le temps de descendre du FL110, quelle était la piste en service…
Cette année, les congressistes avaient toute liberté pour s’exprimer et réfléchir sur l’avenir de l’aviation générale, parler des problèmes et abus rencontrés au quotidien, imaginer les méthodes et moyens de demain car il n’y avait, contrairement aux habitudes, aucun intervenant extérieur appartenant à l’EASA, à la DGAC ou à l’OSAC. Même si les invités deviennent des amis avec le temps, même si certains supportent plutôt bien d’être bousculés, ils ne sauraient cependant tout entendre et d’aucuns l’ont fait savoir par la suite d’une façon ou d’une autre. Les adhérents étaient donc pour une fois entre eux, Alain Battisti étant légitime puisque le GIPAG est membre de la FNAM.
L’intervention du P-DG de Chalair sur la puissance de feu réelle que représente l’aviation dans son ensemble, de son influence potentielle mal utilisée sur le législateur – les écologistes ne représentent que 1 % de l’électorat et pourtant ils sont partout – a été tonique. On se serait cru dans un séminaire Dale Carnegie, l’apôtre américain de la « positive thinking », la pensée positive qui permet la réussite.
Alain Battisti a raison quand il dit aux professionnels qu’ils doivent profiter du fait que le ministère des Transports a été attribué pour une fois, non pas à un politique méritant et souvent incompétent, mais à une technicienne aussi efficace qu’Élisabeth Borne. C’est une chance pour nous tous, et en premier lieu pour Patrick Gandil, le directeur de la DGAC qui aime l’aviation générale, qui a forcément obligation de servir son ministre de tutelle, quel qu’il soit.
Pourquoi ne pas profiter de l’instant T pour s’attaquer, entre autres tâches, aux vrais problèmes ? L’aviation marchande française et l’aviation générale rencontrent des difficultés mortifères qui ont un effet négatif sur toute l’activité économique de l’aéronautique, il est grand temps de simplifier les règles et d’aborder les problèmes d’une manière lucide. La simplification, n’est-ce pas le mot cher à Emmanuel Macron, un mot qui inspire envie et enthousiasme, synonyme de création d’entreprises et d’emplois ? Qui donne envie de voler ?
Avec un tandem tel que celui que forment Élisabeth Borne et Patrick Gandil en ce moment, les planètes sont mieux alignées qu’elles ne l’ont jamais été !
Jacques Callies
EASA, European Aviation Safety Agency ;
DGAC, Direction Générale de l’Aviation Civile ;
OSAC, Organisme pour la Sécurité de l’Aviation Civile.