Par Jacques Callies, Photographies Piper Aircraft.
Pour moi, l’article qui nous avait été suggéré par Julie a d’abord tourné au casse-tête. Dans l’immense fourre-tout que représentent 500 magazines, quel reportage résumer en quelques lignes qui soit majeur et qui apporte au lecteur pilote une information plus utile qu’une autre ? Car tel était l’enjeu au départ. Raconter, ne pas se raconter. Dans mon esprit, tous nos reportages ont été importants, intéressants et utiles. Toutes nos rencontres nous ont apporté une parcelle de connaissance que nous nous sommes empressés de vous transmettre, toutes ont été passionnantes et c’est sans doute propre à la troisième dimension, si exigeante. Et puis, finalement, un reportage s’est imposé, mon premier, car, en plus de me donner la vocation, il m’avait énormément appris.
Remontons donc le temps jusqu’en février 1975. L’occasion se présente d’embarquer dans un Navajo PA-31 qui devait rallier Genève depuis l’usine Piper de Lock-Haven, en Pennsylvanie, via Gander à Terre-Neuve et Shannon en Irlande. Cette opportunité était une vraie chance à saisir, sans réfléchir car les ferry pilots préfèrent voler sans s’encombrer de touristes.
À l’époque, c’était une aventure majuscule que de traverser l’Atlantique en avion léger l’hiver par la route la plus courte. Souvenons-nous, ni le GPS, ni les satellites météo n’avaient encore été inventés. Le pilote était seul pour préparer sa nav qu’il traçait au crayon gras sur une carte de papier, une longue route de 1800 miles nautiques avec des corrections de dérive basées sur des relevés météo moyennement précis. Il naviguait ensuite au cap et à la montre en espérant que les systèmes dépressionnaires annoncés soient au bon endroit, se rassurait en surveillant l’aiguille de son ADF réglé sur l’émetteur ondes courtes de la BBC de Londres et espérait recevoir à l’heure estimée le signal du VOR/DME de Shannon. Côté survie, ce n’était guère mieux, aucune protection pour l’individu n’existait en cas d’amerrissage forcé ; et si, par chance, on sortait indemne d’un amerrissage de nuit, on avait toutes les chances de mourir frigorifié dans son canot de sauvetage. La question était : en combien de temps ?
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