Le coavionnage, c’est le bon plan… de vol ! Dans son édition du dimanche 30 août 2015, Le Parisien a consacré une page entière aux sites Internet qui proposent de mettre en relation pilotes d’avions légers et passagers. L’article en question était bien informé et objectif puisque le journaliste y pointait du doigt un cadre juridique flou. Quant à l’interview de Marie, la passagère d’un Pontoise-Deauville facturé 70 euros le siège de DA-40, il posait parfaitement les enjeux : « J’ai découvert le service OffWeFly par hasard grâce aux réseaux sociaux, cela n’a rien à voir avec un vol commercial, on ne vole pas dans les nuages, on peut réellement découvrir le paysage. Être au-dessus des maisons et des champs, c’est reposant. J’ai adoré, c’est rapide, confortable et original. C’est moins long et moins cher qu’en train, j’ai hâte de redécoller ! »
Devions-nous nous réjouir que Le Parisien mette en avant de manière positive notre chère aviation générale, sachant en plus que ses confrères le pigent scrupuleusement chaque jour et qu’on pouvait donc immanquablement compter sur un relais de l’information des autres quotidiens, magazines, télés et radios nationales ?
Ou devions-nous au contraire être contrariés d’avoir été doublés sur le sujet du coavionnage, l’un de nos rédacteurs ayant reçu fin juin à Lognes l’impatient Youssef Oubihi, le fondateur de Coavmi ? Avions-nous eu tort de ne pas publier cette interview avant d’avoir obtenu une position claire de la DGAC et de nos avocats sur le sujet ?
En fait, ce dimanche-là, j’ai plutôt eu le pressentiment que rien de tout ceci n’allait finir bien et je suis allé rechercher dans nos archives un courrier que nous avions reçu de Dorine Bourneton en mars 1992, alors qu’elle avait 16 ans, que nous pensons nécessaire de livrer à votre réflexion : « […] Le silence où rôde la mort qui cherche à m’attraper et moi qui la repousse. J’essaie en vain de coordonner mes pensées, je m’évanouis ou je m’endors. Je ne sais plus… Je tente de toucher mes amis, je n’y arrive pas… Je ne peux plus bouger. Que m’arrive-t-il ? Suis-je paralysée ? Vais-je vivre encore longtemps ? Autant de questions sans réponse. Et moi qui venais d’être lâchée sur mon Rallye. Qu’est-ce que je le regrette, ce Rallye ! Mais bon sang, qu’est-ce que je fiche dans ce PA-28 que je ne pilotais même pas, alors que j’avais mis toute ma confiance en ce pilote, en ses 1 500 heures de vol et en sa réputation… […]»
Dorine, pilote accomplie aujourd’hui mais après des combats épuisants, a été la seule passagère à survivre à ce crash survenu après un passage en IMC dans un contexte aéro-club inattaquable. Qu’en aurait-il été dans un contexte de coavionnage, avec des passagers inconscients du risque aérien et, surtout, sûrs d’être protégés, eux ou leurs ayants-droits, par la Convention de Varsovie et l’accord de Montréal qui définissent clairement la responsabilité du transporteur et l’obligent à indemniser ses victimes ?
En fait, nous ne le saurons que lorsqu’aura eu lieu le premier crash, car c’est bien la seule inconnue du problème.
Pour le moment, et avant que l’Administration ait statué – et pourquoi pas de manière positive, ce qui impliquera indubitablement un minimum d’exigences quant à l’expérience du pilote transporteur et des garanties à offrir aux passagers, il est primordial que les pilotes privés VFR qui utilisent déjà les plates-formes de coavionnage fassent un bilan sincère de leurs compétences et mesurent pleinement les risques juridiques et financiers potentiels qu’ils prennent dans ce cas et font prendre à leur famille en cas d’accident grave.
Dans l’antiquité, on tuait les porteurs de mauvaises nouvelles. Tant pis, j’en prends le risque. Avant que vous ne passiez à l’acte, je vous suggère quand même de lire l’enquête que nous publions dans ce numéro et, surtout, de toujours garder en tête que notre seul objectif reste encore et toujours de donner des ailes à tout le monde, le plus tôt possible, mais sans que personne n’ait jamais à le regretter un jour !