Où aller, par où passer? Le trajet choisi fut de suivre la côte de l’Espagne et du Portugal en s’arrêtant pour visiter les Asturies (LEAS), Porto (Villar de Luz LPVL), Lisbonne (Cascais LPCS), puis ce sera Séville (LEZL), Cordue (LEBA), Grenade (LEGR), Madrid Cuatro vientos (LECU), Salamanque (LESA) et retour au bercail. Les étapes sont courtes comparées à ce que nous avons l’habitude de faire (400 Nm en moyenne). Cette fois, la plus longue sera de 280 Nm Asturies/ Villar de Luz ; la plus courte Séville/Cordue de 60 Nm. La mise en place et le retour à Toulouse seront les navigations les plus longues. Autrement dit, du billard et l’impression d’être en vacances par rapport à ma fonction habituelle de directeur des vols. J’allais vite déchanter…
Le rassemblement des 11 avions doit se faire aux Asturies le 29 mai. Les participants viennent de tous les coins de la France. Pour notre part, nous partons de Toulouse Lasbordes, avec un DR 400 160 ch, un peu plus de 5 heures d’autonomie et 3 personnes à bord. L’idéal est d’arriver là-bas pour 16h00. La météo n’est pas bonne au départ et à l’arrivée ce n’est pas fameux. Après avoir consulté tous les sites possibles et inimaginables, je demande l’avis d’un « ami », c’est-à-dire la prévision Météo France VFR ; communication payante bien sûr! Ce dernier me conseille de partir le lendemain ou alors dans l’après-midi mais sans être sûr d’arriver aux Asturies.
Nous décollons finalement à 14h00, encouragés par Jean-Michel Collineau qui est déjà sur place. Le plafond n’est pas très haut mais suffisant pour s’échapper. Nous volons entre 2000 et 2500 ft. Le temps s’améliore, nous traversons les zones de Biarritz sans problème, puis nous longeons les côtes de San Sébastian, Bilbao. Je garde dans ma tête la météo pessimiste prévue à l’arrivée car pour l’instant tout va bien. Arrivé dans la TMA de Santander, le contrôle me passe la dernière des Asturies: « Broken 400 ft getting worst ».
Nous décidons d’arrêter notre voyage à Santander, après 2h30 de vol, pour y passer la nuit. Il nous restait encore un peu plus d’une heure avant d’atteindre les Asturies. Tant pis pour le cidre, nous mangerons du poisson! Une fois posé, il commence à pleuvoir, le plafond baisse : la décision a été bonne.
Il fait 12°c, friquet pour un 29 mai! Je téléphone à Jean-Michel et lui rend compte que pour aujourd’hui, nous n’irons pas plus loin. Le chauffeur de taxi qui nous amène à l’hôtel me fait observer qu’ici, c’est la costa del aqua et pas la costa del sol. Il a de l’humour, j’apprends qu’il pleut un jour sur deux dans la région. Pas étonnant que cela soit si vert! En fait, on peut comparer le coin à la Bretagne au point de vue de la météo, cette côte prend les perturbations de plein fouet. Pas engageant pour voler en VFR.
Le lendemain matin, je passe les 11 plans de vol à partir de Santander. Nous décollons pour Villar de Luz, à proximité de Porto, au Portugal, sans se poser aux Asturies afin de rattraper la caravane. Pénétrant dans la TMA des Asturies pour transiter, j’entends les échanges radio des avions du rallye qui décollent. Les collègues sont heureux de m’entendre sur la fréquence. Nous passons ensuite travers La Coruna par le Nord.
La côte est toujours verte avec un relief moins élevé toutefois. Le passage de la pointe de la Corogne, c’est-à-dire l’extrême nord de l’Espagne, est particulier. On y trouve régulièrement des turbulences, parfois sévères, accompagnées par du cisaillement de vent qui s’explique par un vent du nord-ouest qui se sépare, pour une partie, en se glissant le long du relief vers le sud et l’autre partie, se heurtant au relief au nord. Nous avons 15 à 20 kt de vent favorable, pas de turbulence quand nous virons cap au sud pour suivre la côte.
Nous ne volons pas très haut (2500 ft) afin de profiter du paysage sous un ciel lavé de toute impureté suite aux pluies récentes. Quelques cumulus épars et du soleil donnent de belles couleurs contrastées. Après 3h30 de vol, nous arrivons à Villar de Luz. La piste de 1 400 mètres en bitume est réduite à 900 mètres par un seuil décalé. Le taxiway est parallèle à la piste sur toute la longueur, ce qui épargne de la remonter. Le parking est immense. Les installations en béton laissent imaginer qu’il y a eu jadis une belle activité. Depuis, il est utilisé par l’aviation légère.
Pour l’occasion, un ancien contrôleur, Pedro, rencontré par Jean-Michel Collineau il y a 17 ans et prévenu de notre escale, est venu nous accueillir avec sa radio portable. Sitôt quitté l’Approche de Porto, il a pris sous sa responsabilité le Contrôle – tout s’est très bien passé. Il fait un soleil radieux et un vent assez fort génère des turbulences en finale. Nous visitons Porto et y passons la nuit.
180 Nm nous attendent pour rallier Cascais. Il fait beau avec du vent sur tout le parcours du 330° pour 20 à 30 kt. Le vol se fait entre 1000 et 2500 ft histoire de profiter du paysage et de suivre les cheminements demandés. En se dirigeant vers Lisbonne, le relief s’estompe, la nature est moins verdoyante, la côte est rectiligne, comme dans les Landes, jusqu’à Figuera. Nous survolons l’aérodrome de Nazare, toujours à 1 000 pieds QNH… Lisbonne Info s’exprime dans un anglais lent. Après Figuera, point de report Peniche, survol de Sintra, aérodrome côtier avant de prendre la photo symbolique de la Pointe de Cabo da Rocca, surmontée d’un phare majestueux, marquant l’extrémité occidentale de l’Europe continentale. Puis, nous arrivons très vite sur Cascais. En longue finale, nous découvrons Lisbonne à droite de l’estuaire du Tage. Nous abandonnons ce panorama un instant pour se concentrer sur l’atterrissage car le cisaillement de vent annoncé doit accroître notre vigilance. Finalement, nous nous posons avec un vent de 17 à 22 kt avec turbulences. Un bon mistral quoi !
Nous faisons les pleins, histoire de ne pas perdre de temps dans 2 jours. A l’issue, le soutier demande de régler le carburant en cash. Bien que tout ait été arrangé avant le rallye pour éviter ce genre de mésaventure, rien y fait, notre pétrolier reste inflexible. Heureusement, nous devons notre salut à un des participants qui avait du numéraire. Après cet épisode, nous partons visiter la ville de Sintra et son Palais, puis Lisbonne avec son tram historique et dégustation obligée de la célèbre pâtisserie Belém qui date de 1870 ! Entrée au monastère des Hiéronymites. Notre séjour se termine par une soirée Fado. Une nuit bien courte s’en suit car le lendemain, nous partons très tôt pour Séville où nous perdons 1 heure sur GMT mais peu importe, le vol promet d’être beau et nous profitons toujours d’un beau ciel bleu. La température depuis les Asturies est remontée, on ne va pas s’en plaindre.
Lundi 2 juin : Cascais/Séville soit 272 Nm et 2h45 de vol. Le départ de Cascais n’est pas plus compliqué que d’habitude, mais le contrôle de Lisbonne impose un créneau de mise en route. Toute l’escadrille du Rallye passe avec l’approche de Lisbonne aussitôt après le décollage de Cascais. Il faut maintenir 500 ft pour passer sous les axes d’approche de Lisbonne puis rejoindre le cheminement de sortie vers la côte. Merci aux contrôleurs d’avoir fait passer 11 avions sous leurs axes, ce n’est pas courant.
Navigation ensuite vers Sines au cap 180° jusqu’à la pointe « Vincente » puis le 090° vers Villamoura et Faro. A partir de Portimao, l’urbanisation se développe. Beaucoup de villas avec chacune une piscine, de petites plages au pied des falaises ou dans une crique se détachent avec déjà des touristes affairés au bronzage de bon matin car l’après-midi, il doit y faire chaud. Les plages sont sauvages. A l’horizon, la forêt a disparu par endroits, sans aucun doute par des feux – pour reprendre vigueur, il lui faudra quelques années… Faro, 70 000 habitants, est contournée par le nord de son aéroport mixte, civil et militaire. Le survol de la ville, bien concentrée dans sa forme, n’apporte rien à la carte postale.
Nous quittons le Portugal au point FIR MINTA sur le bord de mer, cap au 090° vers Séville et toujours à 1 000 pieds. La région a eu un « coup de chaud ». Même avant de quitter le Portugal, la végétation demande visiblement de l’eau même si la rivière Guadalquivir arrose les cultures de fruits et légumes Bio, une spécialité locale. Nous arrivons à Séville. Pas de trafic vraiment ce qui nous fait récupérer du temps sur le retard pris au départ. Nous visitons la ville, la cathédrale, l’Alcazar, le quartier de Santa Cruz, la place d’Espagne, le parc Marie-Louise et une émouvante soirée Flamenco clôture vers les minuits notre séjour.
Le lendemain, nous mettons le cap sur Cordoue, un saut de puce de 56 Nm. L’arrivée se fait en auto-information. Le carburant se fait à la pompe fixe où chacun prend sa place dans la file d’attente. Le BIA me demande de remplir un formulaire de déclaration générale: d’où on vient, où l’on va, type d’appareil, immatriculation, nom des passagers, N° de passeport. Il en faut un par avion. Tout ceci avait déjà été envoyé lors de la préparation du rallye, mais rien n’y fait, il faut recommencer… Départ ensuite vers la ville, déjeuner tapas dans un restaurant typique comme on aime puis visite de la cathédrale/mosquée (début de la construction en 783 et fin en 1523) d’une superficie de 25 000 mètres carrés et capable de contenir 20 000 personnes.
Mercredi, un autre saut de puce de 72 Nm vers Grenade cette fois. Il fait beau. Je prends quelques photos des participants et des avions car les couleurs du soleil matinal sont belles. Un avion ne réussi pas à démarrer à la mise en route. Je décide de rester avec lui au cas où… Le temps de demander un groupe de parc et nous voilà partis. Finalement, nous décollons avec 30 minutes de retard. A l’horizon, la Nevada est encore recouverte de neige (3478 mètres, longueur de 100 km et largeur de 50 km). Survol des grands lacs et du Rio Genil, un affluent du Guadalquivir.
Grenade est située dans une cuvette propice aux orages où il est préférable de se poser le matin plutôt qu’en fin d’après-midi. Nous avons de la chance, les conditions de vols sont excellentes pour se poser. Visite incontournable des Jardins de l’Alhambra avant l’Albaycin, le Palais Charles V et l’Alcazaba ainsi que la ville et ses innombrables rues étroites.
Jeudi, nous avons à parcourir 210 Nm pour nous rendre à Madrid Cuatro Vientos. Nous prenons un cap 350° pour rejoindre Tolède, point d’entrée du corridor de Madrid Cuatro Vientos. La météo est toujours souriante, pas de nuages, un peu de vent du nord, faible turbulence sur le relief qui, au départ, est de 5 000 pieds. Il y a lieu de prendre un maximum de hauteur afin de passer celui-ci en sécurité une fois quitté l’axe de décollage à Grenade.
Il y a parfois des surprises lors de nos voyages : à 20 Nm à peu près de notre destination, le contrôle annonce la fermeture du terrain pour des raisons entraînement militaire et cesse de répondre sans nous dire où se poser… Le premier prend l’initiative de se poser à Casarrubio del Monte (LEMT), certes sur notre route et à 15 Nm avant Cuatro Vientos. Finalement, les 11 avions se posent sur ce terrain très bien équipé réservé à l’aviation légère, en auto-information (conversation en anglais et en espagnol!). Il y a une bonne activité: axe de voltige occupé, ULM en tour de piste, plus un instructeur testant un élève. Tout s’est bien déroulé… mais au mécontentement des Espagnols locaux que nous avons dérangés dans leurs habitudes ! Nous rejoignons Madrid en une heure de bus, laissant nos avions sur place après les avoir bien arrimés. Nous y passons trois jours avec, au programme, le musée du Prado, San Lorrenzo de l’Escorial, visite des monuments et fin de séjour madrilène par un dîner de gala au Réal Aéroclub de Madrid avec son Président.
Nous repartons dimanche 8 juin pour Salamanque, 90 Nm. La météo est toujours de notre côté. Le terrain est mixte, civil et militaire. Pas de trafic, un beau terrain. Je me rends au BIA pour la paperasserie habituelle, déposer les plans de vol pour le lendemain (retour vers la France), consulter les NOTAM. La personne qui officie, m’annonce qu’il y a un NOTAM le jour de notre départ: le terrain est fermé de 11h30 jusqu’à 13h00 cause entraînement militaire. Il nous faut donc être parti avant ou après. Ironie du sort, le terrain n’ouvre qu’à 11h00…
Nous obtenons de mettre en route à 10h45 afin que tout le monde soit en l’air pour 11h30. Partir à 13h00 compromettrait le franchissement des Pyrénées à cause de la situation orageuse. Pour info, ce NOTAM n’existait pas au départ de Casarrubio le matin même! En attendant, nous partons visiter cette très belle ville universitaire, sa plazza Major, la nouvelle cathédrale, une journée bien remplie.
Lundi, c’est le moment de se séparer. Chacun va rejoindre son aéro-club en France. Il est prévu des TCu et Cb isolés sur les Pyrénées avec un vent de 20 kt du sud. Il nous faut partir avant que la convection ne fasse son oeuvre sur les montagnes. Nous tentons : Valladolid, VOR de Tabanera, VOR de Pamplona. Toulouse. Nous montons au FL75 et nous faisons secouer après Pampelune. Nous avons jusqu’à 30 kt de vent arrière. Après 370 Nm, nous nous posons finalement à Toulouse Lasbordes.
Quelles leçons tirer de ce voyage ? En premier lieu, malgré une préparation minutieuse 6 mois avant, nous avons dû improviser un déroutement à Casa del Monte. J’ai dû me dérouter à Santander et passer y la nuit cause MTO lors de la mise en place. Il a fallu payer en cash le carburant à Cascais. Chaque aéroport fait l’objet d’une paperasserie bien qu’il ait été prévenu de notre arrivée. Aujourd’hui, il faut tout calculer, y compris le trajet entre l’aéroport et l’hôtel comme le temps de passage à la Police, même en espace Schengen, et faire preuve de patience.
Jean-Michel Collineau a œuvré pendant 6 mois afin de s’assurer de notre passage auprès des autorités des 3 pays (un Notam a été créé). La réservation des hôtels a été un casse-tête, les transferts aéroport-ville et les visites n’ont pas non plus été improvisées. Le carburant, les taxes d’atterrissage, le handling (obligatoire parfois) : tout cela est vu en amont.
Pour information, la TVA en Espagne est de 21%, et au Portugal de 23%. Le prix du carburant a été compris entre 2,34€ et 2,75€ (Cascais). Il faut avoir une carte de pétrolier comme BP, présent sur la majorité des aéroports ou/et du cash. La carte bancaire n’est pas acceptée malgré le logo qui figure sur les cartes VAC.
Cette année en juin 2015, le rallye ira à Thessalonique en Grèce puis faire quelques escapades à Lesbos, Samos, Naxos. Encore un beau voyage en VFR et un petit défi à réaliser: arriver à Thessalonique en s’affranchissant des reliefs. Regardez une carte et vous comprendrez.
La préparation bat son plein !
Patrick Müller
Directeur des vols du rallye
Rallye Aéro-France
Jean-Michel Collineau
06 08 31 97 87